<289> et qui prodigua aux soldats les sommes que son père avait amassées, pour faire oublier le meurtre de son frère Géta, qu'il avait commis. Je passe sous silence Macrin et Héliogabale, mis à mort tous les deux, et indignes d'aucune attention de la postérité. Alexandre, leur successeur, avait de bonnes qualités; Machiavel croit qu'il perdit la vie pour être efféminé; mais il la perdit en effet pour avoir voulu rétablir la discipline parmi les soldats, que la lâcheté de ses prédécesseurs avait entièrement négligée. Lors donc que ces troupes effrénées entendirent qu'on voulait leur parler d'ordre, elles se défirent du prince. Maximin suivit Alexandre; il était grand guerrier, mais il ne conserva pas le trône. Machiavel l'attribue à ce qu'il était de basse naissance et très-cruel; il a raison quant à la cruauté, mais il se trompe beaucoup quant à la basse naissance. On suppose ordinairement qu'il faut un mérite personnel et supérieur en un homme qui se pousse sans appui, et qui se tient lui-même lieu d'ancêtres, et on l'estime d'autant plus, qu'il ne tire son lustre que de sa vertu; et il arrive souvent qu'on méprise des personnes de naissance, lorsqu'elles n'ont rien de grand en elles, ni rien qui réponde à l'idée de leur noblesse.

Revenons à présent à Sévère, dont Machiavel dit, « Qu'il était un lion féroce et un renard rusé. » Sévère avait de grandes qualités; sa fausseté et sa perfidie ne peuvent être approuvées que de Machiavel; il aurait, d'ailleurs, été grand prince, s'il avait été bon. Qu'on remarque, à cette occasion, que Sévère fut gouverné par Plautien son favori, comme Tibère le fut par Séjan, et que ces deux princes ne furent méprisés ni l'un ni l'autre. Comme il arrive très-souvent à l'auteur politique de faire de faux raisonnements, cela lui arrive encore à l'occasion de Sévère; car il dit que la réputation de cet empereur « effaçait la grandeur de ses extorsions, et le mettait à couvert de la haine publique. » Il me semble que ce sont les extorsions et les injustices présentes qui effacent la grandeur d'une réputation présente; c'est au lecteur d'en juger. Si Sévère se soutint sur le trône, il en fut