<19> frivole d'orgueil y aurait donné lieu? et serait-il possible de se figurer qu'un ministre qui a donné jusque dans ses moindres démarches des marques d'une prudence consommée, qu'un pareil ministre, dis-je, ait des vues si peu étendues? Rendons justice à la politique française : elle n'est jamais si bornée qu'on pourrait le croire.

Il serait possible qu'on fût bien aise de procurer du repos aux ministres anglais, qui sont assez occupés par les brouilleries intestines du royaume; et, avec cela, on est bien aise de ne point mêler les puissances maritimes dans les traités secrets des deux cours contractantes, afin que, les cas de la succession venant à exister, ces puissances n'aient aucun prétexte quelconque de se mêler des troubles de l'Allemagne.

On pousse les précautions plus loin encore. On paye des subsides aux cours de Suède et de Danemark, ou pour les contenir simplement, ou pour qu'elles soient en état de s'opposer à ceux qui voudront prendre des mesures contraires aux intentions et aux arrangements de la cour de France.

Autant la politique de la cour de France est excellente, autant faut-il avouer aussi qu'elle est favorisée par un concours de certaines circonstances. Tous les princes dont la grandeur et la puissance pouvaient lui donner de l'ombrage se trouvent désunis. Il ne reste à la France qu'à ne point laisser éteindre le feu de la discorde, et à l'attiser plutôt. Et en quoi la France a un avantage infiniment plus grand encore, c'est qu'elle n'a presque personne en tête dont la profondeur d'esprit, la hardiesse et l'habileté puissent lui être dangereuses; à cet égard elle acquiert moins de gloire que n'en acquirent les Henri IV et les Louis XIV.

Que dirait Richelieu, que dirait Mazarin, s'ils ressuscitaient de nos jours? Ils seraient fort étonnés de ne plus trouver de Philippe III et IV en Espagne, plus de Cromwell et de roi Guillaume en Angle-