<20>terre, plus de prince d'Orange en Hollande, plus d'empereur Ferdinand en Allemagne et presque plus de vrais Allemands dans le saint-empire, plus d'Innocent XI à Rome, plus de Tilly, plus de Montécuculi, de Marlborough, d'Eugène à la tête des armées ennemies; de voir enfin un abâtardissement si général parmi tous ceux à qui est confiée la destinée des hommes dans la paix et à la guerre, qu'ils ne s'étonneraient point qu'on pût vaincre et tromper les successeurs de ces grands hommes. Autrefois les Français étaient obligés de combattre contre toute l'Europe liguée et conjurée contre eux, et c'était à leur valeur seule qu'ils devaient leurs conquêtes; à présent ils doivent leurs plus beaux succès à leurs négociations, et c'est moins à leur force qu'à la faiblesse de leurs ennemis qu'on peut attribuer le cours triomphant de leurs prospérités. Il n'y a pas de meilleur moyen de se faire une idée juste et exacte des choses qui arrivent dans le monde, que d'en juger par comparaison, de choisir dans l'histoire des exemples, d'en faire le parallèle avec les faits qui arrivent de nos jours, et d'en remarquer les rapports et les ressemblances. Rien de plus digne de la raison humaine, de plus instructif et de plus capable d'augmenter nos lumières.

L'esprit des hommes est le même dans tous les pays et dans tous les siècles : ils ont à peu près les mêmes passions; leurs inclinations ne diffèrent presque en rien; ils sont quelquefois plus furieux, quelquefois moins, selon qu'un malheureux démon d'ambition et d'injustice leur communique son souffle infecté et contagieux. Certaines époques se sont distinguées, parce que les passions des hommes y ont été plus agitées, et souvent récompensées. Telle est celle des conquêtes de Cyrus parmi les Perses, la bataille de Salamine et de Platée parmi les Grecs, le règne de Philippe et d'Alexandre le Grand chez les Macédoniens, les guerres civiles de Sylla, les triumvirats, le règne d'Auguste et des premiers Césars chez les Romains. En un mot, l'amour