<122> étale leur magnificence, puisqu'il dissipe leurs chagrins, et qu'en temps de paix il leur présente les images de la guerre.

Je suis bien éloigné de condamner un exercice modéré; mais qu'on y prenne garde, l'exercice n'est nécessaire qu'aux intempérants. Il n'y a point de prince qui ait vécu plus que le cardinal de Fleury, ou le cardinal de Ximénès et le dernier pape; cependant ces trois hommes n'étaient point chasseurs. Faut-il, d'ailleurs, choisir la profession qui n'a de mérite que celui de promettre une longue vie? Les moines vivent, d'ordinaire, plus longtemps que les autres hommes : faut-il pour cela se faire moine?

Il ne s'agit point qu'un homme traîne jusqu'à l'âge de Mathusalem le fil indolent et inutile de ses jours; mais plus il aura réfléchi, plus il aura fait d'actions belles et utiles, et plus il aura vécu.

D'ailleurs, la chasse est de tous les amusements celui qui convient le moins aux princes. Ils peuvent manifester leur magnificence de cent manières beaucoup plus utiles pour leurs sujets; et s'il se trouvait que l'abondance du gibier ruinât les gens de la campagne, le soin de détruire ces animaux pourrait très-bien se commettre aux chasseurs payés pour cela. Les princes ne devraient proprement être occupés que du soin de s'instruire et de gouverner, afin d'acquérir d'autant plus de connaissances, et de pouvoir d'autant plus se former une idée de leur profession pour agir bien en conséquence.

Je dois ajouter, surtout pour répondre à Machiavel, qu'il n'est point nécessaire d'être chasseur pour être grand capitaine. Gustave-Adolphe, Turenne, Marlborough, le prince Eugène, à qui on ne disputera pas la qualité d'hommes illustres et d'habiles généraux, n'ont point été chasseurs; nous ne lisons point que César, Alexandre ou Scipion l'aient été.

On peut, en se promenant, faire des réflexions plus judicieuses et plus solides sur les différentes situations d'un pays, relativement à l'art de la guerre, que lorsque des perdrix, des chiens couchants, des