<104>Toutes ces choses ont produit un changement si général et si universel, qu'elles rendent la plupart des maximes de Machiavel inapplicables à notre politique moderne. C'est ce que fait voir principalement ce chapitre. Je dois en rapporter quelques exemples.

Machiavel suppose, « Qu'un prince dont le pays est étendu, qui avec cela a beaucoup d'argent et de troupes, peut se soutenir par ses propres forces, sans l'assistance d'aucun allié, contre les attaques de ses ennemis. »

C'est ce que j'ose contredire; je dis même plus, et j'avance qu'un prince, quelque redouté qu'il soit, ne saurait lui seul résister à des ennemis puissants, et qu'il lui faut nécessairement le secours de quelques alliés. Si le plus formidable, le plus puissant prince de l'Europe, si Louis XIV fut sur le point de succomber dans la guerre de la succession d'Espagne, et que, faute d'alliances, il ne put presque plus résister à la ligue de tant de rois et de princes, qui pensa l'accabler, à plus forte raison tout souverain qui lui est inférieur ne peut-il, sans hasarder beaucoup, demeurer isolé et privé de fortes alliances.

On dit, et cela se répète sans beaucoup de réflexion, que les traités sont inutiles, puisqu'on n'en remplit presque jamais tous les points, et qu'on n'est pas plus scrupuleux là-dessus dans notre siècle qu'en tout autre. Je réponds à ceux qui pensent ainsi, que je ne doute nullement qu'ils ne trouvent des exemples anciens et même très-récents de princes qui n'ont point rempli exactement leurs engagements; mais cependant qu'il est toujours très-avantageux de faire des traités. Les alliés que vous vous faites seront autant d'ennemis que vous aurez de moins, et, s'ils ne vous sont d'aucun secours, vous les réduirez toujours certainement à observer une exacte neutralité.

Machiavel parle ensuite des principini, de ces souverains en miniature qui, n'ayant que de petits États, ne peuvent point mettre d'armée en campagne. L'auteur appuie beaucoup sur ce qu'ils doivent