<23> Le Roi ne put se défendre d'envoyer M. de Goltza à Paris. Ce traité de commerce, qui ne pouvait procurer que de faibles avantages, fut accroché par des conditions inadmissibles, qui tendaient directement aux engagements de la Prusse avec la Russie. Ce traité, comme on le peut croire, n'eut point lieu. M. de Choiseul échoua également en Suède, où, à la diète, le parti russe l'emporta sur celui de la France. Mais il en fut autrement en Pologne, ainsi qu'en Turquie.

Dès le mois de mars, il se forma dans la ville de Bar en Pologne une confédération contre la Russie : le comte Krasinski en fut élu maréchal. Cette confédération en produisit plusieurs autres; les rebelles signalèrent le premier acte de leur soulèvement en annulant toutes les nouvelles lois; mais loin de se borner à ce premier essai de leur force, enivrés d'espérances, et dans le délire des passions, ils n'aspiraient pas à moins qu'à détrôner le Roi, et n'attendaient que l'occasion pour exécuter leur dessein criminel. Le roi de Pologne en fut instruit; alarmé du danger qui le menaçait, il assembla un senatus-consilium, où l'on convint qu'on réclamerait l'assistance de la Russie pour protéger Poniatowski, qu'elle avait placé sur le trône de Pologne. Ce fut le signal des hostilités : les Russes, qui n'avaient pas dix mille hommes dans ce royaume, battirent cependant tous les confédérés qui leur résistaient; mais comme ils n'étaient pas assez nombreux pour les détruire, cet essaim de guêpes, dispersé d'un côté, reparaissait aussitôt d'un autre. Dans une de ces rencontres qu'il y eut en Podolie, les Russes, sans le savoir, poursuivirent les confédérés jusque sur le territoire des Turcs. Dans ce conflit, la petite ville de Balta, où les Polonais s'étaient sauvés, fut brûlée. Cette violation de territoire fut le prétexte dont les Turcs se servirent pour déclarer la guerre à la Russie.

Aussitôt les Turcs firent prendre et transporter aux Sept-Tours


a Voyez ci-dessus, p. 15. Le baron de Goltz partit de Berlin le 2 janvier 1769, et ce fut le 9 février que Frédéric donna au maréchal de camp comte de Guines sa première audience.