<157> Marie-Thérèse, on ne se déclarerait point contre l'Empereur; mais aussi qu'on ne se départirait pas de la garantie de la paix de Westphalie. Cela voulait dire que la France se proposait de conserver la neutralité; ce qui paraissait un bien petit rôle pour une aussi grande puissance, qui, du temps de Louis XIV, avait fixé les yeux de l'Europe étonnée. Mais bien des raisons motivaient cette conduite : le poids des dettes énormes dont le royaume était chargé, et qui, en l'augmentant, menaçait d'une banqueroute générale; l'âge de M. de Maurepas, qui touchait à son seizième lustre; l'aversion que la nation française avait pour une guerre en Allemagne, accrue par le peu de réputation que les armées françaises avaient acquis dans leurs dernières campagnes contre les alliés que le prince Ferdinand de Brunswic commandait; les engagements que la France avait pris avec les colonies anglaises de l'Amérique, qui l'obligeaient à soutenir leur indépendance, et cela dans un moment où elle avait résolu de déclarer par mer la guerre à la Grande-Bretagne. Pour armer tant de vaisseaux, l'on travaillait dans tous les chantiers; à cause que par un article secret de la dernière paix de 1763, l'Angleterre avait fixé la marine française au nombre de douze vaisseaux de ligne, l'on était occupé à en construire soixante nouveaux. Tout l'argent que l'industrie pouvait ramasser, était destiné pour la flotte, et il ne restait rien pour d'autres opérations. Cet état d'impuissance n'empêchait pas le ministère de voir avec chagrin les pas téméraires et audacieux du jeune empereur pour s'acheminer au despotisme. Il faisait de la Bavière une galerie pour s'approcher de l'Alsace et de la Lorraine; il se frayait en même temps un chemin en Lombardie, projet dont le roi de Sardaigne appréhendait le contre-coup, et dont il portait des plaintes amères en France. Toutes ces différentes idées, tous ces motifs résumés mettaient le ministère de Versailles dans des sentiments favorables pour le roi de Prusse, parce qu'il était bien aise que quelque puissance que ce fût s'opposât à l'ambition démesurée d'un jeune