<148> laissé subjuguer à tel point par van Swieten, ministre de l'Empereur, qu'il n'entendait, ne pensait et ne jugeait que ce que l'Autrichien lui avait suggéré. Cela allait au point qu'on avait donné le sobriquet à M. de Pons de chambellan de van Swieten, et que par conséquent les ministres prussiens ne pouvaient s'ouvrir envers lui, à moins de vouloir que la cour de Vienne fût aussitôt informée de tout ce qui s'était dit, dont on pouvait prévoir qu'elle ferait un usage contraire aux intérêts du Roi.

Mais comme vers l'année 1777 toutes les affaires de la Pologne furent terminées, et que le théâtre de la politique présentait des décorations nouvelles; que, outre cela, un nouveau roi et d'autres ministres gouvernaient la France, il y eut dès lors moyen de rapprocher les cours de Pétersbourg et de Versailles, parce que les mêmes acteurs ne subsistaient plus. Le ressentiment de l'impératrice de Russie ne pouvait pas s'étendre sur leurs successeurs.

La difficulté n'était donc que de savoir à qui s'expliquer. Le Roi jugea qu'il était plus convenable de faire passer ses insinuations par M. de Goltz, son ministre à la cour de Versailles, que par toute autre voie. Celui-là s'adressa directement à M. de Maurepas, en lui exposant le désir de son maître de se rapprocher de la France, et, en même temps, que le peu de confiance que sa cour pouvait avoir en M. de Pons, lui faisait désirer qu'on pût envoyer quelqu'un à Berlin envers lequel on pût s'expliquer librement et sûrement. M. de Maurepas reçut cette offre avec plaisir, et fit choix d'un M. de Jaucourt, qui, étant militaire, pouvait, sans donner de soupçon, entreprendre le voyage de Berlin, sous prétexte de voir les manœuvres des troupes prussiennes. M. de Jaucourt arrivaa pendant les revues de Magdebourg. Le hasard voulut que le prince de Lichtenstein s'y trouvât également, ce qui occasionna des ménagements et beaucoup de circonspection de la part du Roi et de l'envoyé, pour que l'Autrichien


a Le 26 mai 1777.