<147> qu'elles se consolident promptement. Après la paix de l'année 1763, l'animosité se tourna en froideur; ensuite la cour de Berlin s'unit par des traités à celle de Pétersbourg; et il est nécessaire de savoir que l'impératrice de Russie avait une espèce d'aversion pour tout ce qui était français, parce que, du temps de l'impératrice Élisabeth, les ministres des cours de Vienne et de Versailles avaient opté qu'il fallait enfermer dans un couvent l'Impératrice, alors grande-duchesse, pour marier le grand-duc avec la princesse Cunégonde de Saxe. De pareils traits laissent des traces si profondes dans l'esprit féminin, qu'elles ne s'effacent plus. Le roi de Prusse ne pouvait donc pas alors, s'il voulait ménager son unique alliée, se rapprocher trop des Français. Ce fut par cette raison que M. de Guines, créature de Choiseul, ministre de la cour de Versailles à Berlin, ne put pas avancer dans ses négociations, d'autant plus que, dès l'année 1770, les affaires de Pologne commençaient à s'agiter, et que le Roi ne pouvait pas en même temps être du parti des Russes, qui soutenaient le roi Poniatowski, et du parti des Français, qui soutenaient la confédération de Bar. Bientôt après survinrent les affaires qui menaient au partage de la Pologne dont nous avons parlé précédemment, qui dès lors interdisaient plus que jamais toute intimité avec la cour de Versailles.

Outre ces obstacles que nous venons d'exposer, il y avait, de plus, l'alliance qui subsistait entre la France et l'Autriche, qui mettait des empêchements encore plus considérables à toute liaison qu'on aurait pu contracter avec la France, vu qu'aussi longtemps que ce traité subsistait, elle ne pouvait, sans l'enfreindre, entrer dans les vues de la cour de Berlin. A M. de Guines, qui fut rappelé, succéda M. de Pons,a dont le caractère n'était guère propre au poste qu'il occupait. C'était un homme sans routine, né avec un esprit borné, et qui s'abandonnait pour toute sa conduite à la volonté d'un ex-jésuite qui avait dirigé son éducation. Cet abbé Mat dont nous parlons, s'était


a Le marquis de Pons arriva à Berlin le 5 juin 1772. Voyez ci-dessus, p. 23.