<180> aussi affermi, et aussi respecté de cette nation. Le clergé était d'autant plus puissant dans cet empire, que les peuples abrutis y croupissaient dans la plus profonde ignorance. Attaquer ces archimandrites et ces popes, c'était se faire des ennemis irréconciliables, parce que tout prêtre est attaché à ses revenus plus qu'aux opinions qu'il annonce. L'Empereur aurait sans doute pu attendre pour faire cette réforme, et encore aurait-il fallu y toucher d'une main délicate. Outre cette affaire, qui faisait crier, on lui reprochait encore de tenir les gardes Ismaïloff et Preobrashenskii sous une discipline trop rigoureuse, et de vouloir faire la guerre au Danemark, ce qui répugnait d'autant plus aux Russes, qu'ils disaient ouvertement que leur nation n'y était point intéressée. Des personnes malintentionnées répandaient ces griefs dans le public, pour rendre odieuse la personne de l'Empereur. L'amitié, la reconnaissance, l'estime que le Roi avait pour les excellentes qualités de ce prince, le portèrent à lui écrire et à entamer cette matière scabreuse. Il y avait à ménager l'extrême délicatesse que tous les souverains ont de vouloir qu'on croie leur autorité affermie; et il fallait s'expliquer avec une réserve infinie au sujet de ce qui touchait les Danois. Pour le dissuader d'entreprendre d'abord la guerre contre le Danemark, le Roi lui détaillait toutes les raisons pour en renvoyer l'exécution à l'année prochaine; il insistait, sur toutes choses, sur ce qu'avant que l'Empereur sortît de ses États et s'engageât dans une guerre étrangère, il devait se faire couronner à Moscou, pour rendre par son sacre sa personne d'autant plus inviolable aux yeux de sa nation, à plus forte raison parce que ses prédécesseurs avaient tous religieusement observé cette cérémonie. Il faisait ensuite mention des révolutions arrivées en Russie durant l'absence de Pierre Ier; mais il ne faisait que glisser sur cette matière, et il finissait en conjurant l'Empereur, d'une manière affectueuse, de ne point négliger des précautions essentielles pour la sûreté de sa personne, en lui protestant que l'intérêt sincère qu'il prenait à sa conservation,