<89>stadt, où ils lurent battus. La perte de cette bataille les força d'abandonner la Bavière et la Souabe, et ils ne se crurent en sûreté qu'après avoir repassé le Rhin. Je vous cite toujours le prince Eugène comme le plus grand guerrier de ce siècle. Suivez-le en Hongrie, voyez-le entreprendre le siége de Belgrad, voir son armée assiégée par les Turcs, attendre patiemment qu'ils eussent en partie passé un petit ruisseau qui les séparait de son armée, marcher alors à eux, et remporter une victoire décisive qui obligea le Grand Seigneur à faire la paix en cédant de belles provinces à l'Empereur.

Quiconque lit les campagnes du prince Eugène ne doit pas se borner à charger sa mémoire de faits militaires; il doit s'appliquer surtout à bien approfondir ses grandes vues, et surtout à apprendre à penser de même. Il ne suffit pas d'avoir étudié dans la personne du prince Eugène le modèle des grands généraux; il ne sera pas moins utile d'examiner les fautes que ou les ministres des cours, ou les généraux ont faites, par défaut de jugement et de connaissances, en concertant mal leurs entreprises. Ces exemples ne sont qu'en trop grand nombre; je ne fouillerai point dans l'antiquité pour vous rappeler les bévues des temps passés, je ne vous citerai que des sottises modernes dont le fond des événements vous est plus familier et mieux connu.

Charles XII se présente d'abord à ma mémoire, le général le plus brave et le moins conséquent que peut-être il y ait jamais eu. Vous savez qu'il battit les Russes à Narwa. Les raisons politiques et militaires voulaient que dès l'arrivée du printemps il marchât dans l'Esthonie, qu'il en chassât le Czar, reprît Pétersbourg, forçât ce prince à faire la paix, en le resserrant dans ses anciennes limites. Vous voyez qu'il est évident que, après avoir vaincu son ennemi le plus dangereux, il était ensuite maître de disposer de la Pologne selon sa volonté, car personne ne voudrait lui résister. Mais que fait-il? Loin de suivie un dessein aussi raisonnable, il s'avise de guerroyer contre des palatins polonais et de chasser de côté et d'autre des poignées de Saxons,