<159> Ajoutons à ceci une diversion dans le Milanais, opérée par les troupes françaises et sardoises, où les Autrichiens seront obligés d'opposer au moins trente mille hommes. Résumons ces corps ensemble : contre les Turcs quarante mille, en Flandre trente mille, clans le Milanais trente mille, font cent mille hommes. Déduisez ce nombre de deux cent quarante mille dans lequel consiste leur armée, il n'en reste que cent quarante mille à opposer aux Prussiens, et ces derniers, avec leurs alliés, mettent cent quatre-vingt mille hommes en campagne. Il résulte donc de ce calcul que, en opposant aux troupes de l'Empereur des forces égales de tous les côtés, les Prussiens ont quarante mille hommes en sus, qu'ils peuvent employer comme bon leur semble, fût-ce même pour en former une armée qui agirait séparément, sans rencontrer d'ennemi qui pût s'opposer à ses entreprises. Voilà la plus grande supériorité qu'on peut se procurer contre un ennemi. Alors, avec un vaste plan comme celui que je viens de proposer, il faut réussir, à moins qu'une indolence et une coupable négligence n'empêchent que les généraux ne remplissent leur devoir dans toute sa rigueur, et que, peu soucieux de leur propre gloire, de l'honneur de la nation et du bien de la patrie, ils agissent plutôt en traîtres qu'en citoyens.

Les Prussiens sont dans la nécessité de penser à la guerre, parce qu'ils ont un voisin inquiet et remuant, qui déploiera toute son ambition aussitôt que la mort de l'Impératrice sa mère le mettra en liberté de suivre son penchant. Il faut se préparer d'avance à un tel événement, qui est plus que probable, pour ne pas dire certain. Quiconque ne réfléchit pas maintenant à ce qu'il y a de mieux à faire n'aura pas le temps d'y penser mûrement lorsqu'il faut entrer en action. D'ailleurs, quand on a la tête tranquille, on médite avec suite, on envisage toutes les difficultés, on trouve des expédients pour lever les obstacles que l'on prévoit devoir s'opposer à ses opérations; au lieu que, en remettant à faire des projets le moment qu'il faut agir, il