<158>Il est sûr qu'il se rencontre bien des difficultés dans l'exécution. Mais, supposé même que seulement la moitié de ce plan ait été exécutée, les effets en seront néanmoins très-avantageux pour les Prussiens. On demandera sans doute comment on fera avancer l'armée de Prague. Je réponds que, dès qu'on est maître d'une province, on peut faire usage de tous les chevaux qui s'y trouvent, et qu'il y a dix fois plus de chevaux qu'il n'en faut, en Bohème, pour charrier la farine nécessaire à la consommation d'une armée. Quant aux fourrages, on en trouve partout, ou bien à fourrager, ou bien recélés dans les granges, et de plus, en avançant vers le Danube, la Bavière serait en état de fournir tout ce qui manquerait à l'armée. Du côté de la Silésie, après la prise de Brünn, je serais d'avis d'y établir des magasins et de n'avancer, cette campagne, que jusque sur les bords de la Taya, à Znaim, Nikolsbourg et autres endroits, où l'on pourrait opposer à l'ennemi une tête de quartiers d'hiver. En ruinant les environs d'Olmütz à quatre milles à la ronde, et en y laissant quelques troupes pour la bloquer de loin, on l'affamerait pendant l'hiver, et la réduirait, le printemps suivant, à se rendre sans grande résistance. Je dois ajouter à ceci, pour rendre hommage à la vérité, qu'il n'est pas apparent que toutes les expéditions que je propose ici réussissent aussi parfaitement que je le suppose; mais il reste toujours certain que, en adoptant de vastes projets, on va plus loin que si l'on se borne à des vues resserrées et peu étendues.

J'ai fait l'esquisse de ce projet en supposant que nous n'avons d'alliés que les Russes et les Saxons, parce que je n'ai rien voulu supposer de plus que ce qui existe en réalité à présent. Mais joignons pour un moment les Turcs aux opérations que nous proposons; voilà au moins quarante mille Autrichiens employés contre eux, qui ne pourront pas combattre contre la Prusse. Joignons-y encore les Français en Flandre; il faudra au moins trente mille Autrichiens, joints avec les Hollandais et les Anglais, pour s'opposer aux efforts des Français.