<275> présenter à V. M. cette lettre et le prospectus d'un journal qu'il se propose d'imprimer, Sire, dans vos États, à Neufchâtel; il demande la protection de V. M., et tâchera de s'en rendre digne.

264. A D'ALEMBERT.

Le 30 décembre 1782.

Vous me faites un grand plaisir de m'apprendre vous-même la nouvelle de votre convalescence. C'est le plus fâcheux don que la nature ait pu faire aux hommes que de former une carrière dans leurs intestins. De tous les maux que nous sommes condamnés à souffrir, ceux de la pierre sont les plus violents, et exigent le plus de compassion, surtout quand des gens de mérite comme Anaxagoras en sont affligés. Pour moi, je m'attends dans peu à quelque cadeau de la part de madame la goutte, qui n'est pas non plus une aimable commère. O mon cher d'Alembert! autrefois nos lettres ne parlaient ni d'infirmités, ni des progrès de la caducité; à présent, chaque jour nous arrache quelque chose de notre existence. Cela me fait souvenir de ce mot célèbre d'une Spartiate à laquelle on apprit que son fils avait été tué à la bataille de Leuctres : « Je ne l'avais pas mis au monde pour être immortel. »a


a Dans une lettre au général Fouqué (t. XX, p. 152), Frédéric attribue les mêmes paroles à une Lacédémonienne qui les aurait prononcées après la bataille de Marathon. Peut-être a-t-il confondu quelques traits semblables, réminiscences de ses lectures. Élien, par exemple, dit que le philosophe Anaxagoras, ayant reçu la nouvelle de la mort de ses deux fils, répondit : « Je savais que je les avais engendrés mortels; » et Stobée fait dire à Gorgone, femme de Léonidas, donnant à son fils son bouclier : « Avec ou dessus. »