<505> où il règne le plus de superstition et d'intolérance. Détruisez ces réservoirs de l'erreur, et vous boucherez les sources corrompues qui entretiennent les préjugés, qui accréditent les contes de ma mère l'oie, et qui, dans le besoin, en produisent de nouveaux. Les évêques, la plupart trop méprisés du peuple, n'ont pas assez d'empire sur lui pour exciter fortement ses passions, et les curés, exacts à recueillir leurs dîmes, sont assez tranquilles et bons citoyens d'ailleurs pour ne point troubler l'ordre de la société. Il se trouvera donc que les puissances, fortement affectées de l'accessoire qui irrite leur cupidité, ne savent ni ne sauront où leur démarche les doit conduire; elles pensent agir en politiques, et elles agissent en philosophes. Il faut avouer que Voltaire a beaucoup contribué à leur aplanir ce chemin; il a été le précurseur de cette révolution en y préparant les esprits, en jetant à pleines mains le ridicule sur les cuculatis et sur quelque chose de mieux; il a dégrossi le bloc auquel travaillent ces ministres, et qui deviendra une belle statue d'Uranie, sans qu'ils sachent comment. Après d'aussi belles choses, je suis un peu fâché que ce même Voltaire fasse si platement ses pâques, et donne une farce aussi triviale au public; qu'il fasse imprimer sa confession de foi, à laquelle personne n'ajoute foi, et qu'il souille la mâle parure de la philosophie par les accoutrements de l'hypocrisie dont il s'affuble. Pour moi, il ne m'écrit plus; il ne me pardonnera jamais d'avoir été ami de Maupertuis; c'est un crime irrémissible. On dit qu'il s'est brouillé avec son évêque, que celui-là s'est plaint en cour, et que le Très-Chrétien a prononcé contre Voltaire, que la peur a glacé le pauvre philosophe, et qu'il s'est prêté à ces momeries de pâques et de l'autel, pour ne pas pousser à bout la patience des puissants, dont il n'a pas mal abusé. Cet homme aurait eu trop d'avantages sur ses contemporains, s'ils n'étaient pas rachetés par quelques faiblesses; il est haineux comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; il punirait jusqu'au quatrième degré la génération des Desfontaines, des Rousseau, des