<222> qui nous lanterne depuis près de six semaines;a il faut qu'il ne soit guère empressé de voir le jour, et je commence à croire qu'il faudra user de quelque sortilége pour le forcer de quitter l'obscurité où il semble se complaire.

J'aime encore mieux entretenir V. A. R. de la postérité que nous attendons que de lui faire mes complaintes sur l'inclémence du plus abominable été que j'aie vu de mes jours; je suppose bien que, lorsqu'il pleut ici, il ne fait pas trop sec en Saxe, et je plains V. A. R. de ce quelle ne pourra profiter ni des agréments de Pillnitz, ni du beau temps que nous devrions avoir dans cette saison. Un fou d'astronome prétend que c'est la faute d'une comète qui a paru; pour moi, je soutiens qu'il fait plus d'honneur à la comète qu'elle n'en mérite, car il se pourrait bien que ce météore, si redoutable autrefois, ne fût qu'une jeune étoile que ses parents font voyager pour lui former, comme on dit, le cœur et l'esprit, et qui, étant étourdie, se fait un chemin à elle-même. Il n'y a aucune absurdité que l'ignorante présomption des hommes n'ait débitée pour l'accréditer, et il faut bien du temps pour qu'un peu de raison se fasse jour à travers tant de préjugés que leur ancienneté a consacrés. Mais j'oublie que je parle à la princesse la plus instruite de l'Europe, et qui pourrait me donner de bonnes leçons, si elle voulait s'en donner la peine; V. A. R. ne trouverait jamais d'élève plus docile, ni plus persuadé du mérite de son maître que je le suis. Vous voir suffit pour vous admirer, vous entendre suffit pour s'instruire. Je me flatte bien de jouir encore une fois de ce bonheur, et de pouvoir, madame, vous assurer de vive voix de la haute considération et des sentiments d'admiration avec lesquels je suis à jamais, etc.


a Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse, naquit le 3 août 1770.