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Qui tient les humains enchaînés;
Et, dans votre noble colère,
Avec Jordan le secrétaire,
Détruisez l'idole, et vivez.

Vous que la raison pure éclaire,
Comment craindriez-vous de faire
Ce qu'ont fait vos braves aïeux,
Qui, dans leur ignorance heureuse,
Bravèrent la puissance affreuse
De ce monstre élevé contre eux.

Hélas! votre esprit héroïque
Entend trop bien la politique;
Je vois que vous n'en ferez rien.
Tous les dévots, saisis de crainte,
Ont déjà partout fait leur plainte
De vous voir si mauvais chrétien.

Content de briller dans le monde,
Vous leur laissez l'erreur profonde
Qui les tient sous d'indignes lois.
Le plus sage aux plus sots veut plaire.
Et les préjugés du vulgaire
Sont encor les tyrans des rois.

Ainsi donc, Sire, V. M. ne combattra que des princes, et laissera Jordan combattre les erreurs sacrées de ce monde. Puisqu'il n'a pu devenir poëte auprès de votre personne, que sa prose soit digne du roi que nous voudrions tous deux imiter. Je me flatte que la Silésie produira un bon ouvrage contre ce que vous savez, après ces beaux vers qui me sont déjà venus des environs de la Neisse. Certainement si V. M. n'avait pas daigné aller en Silésie, jamais on n'y aurait fait de vers français. Je m'imagine qu'elle est à présent plus occupée que jamais; mais je ne m'en effraye pas, et, après avoir reçu d'elle des vers charmants le lendemain d'une victoire, il n'y a rien à quoi je