<311>

284. DU MÊME.a

(1750.)

Sire, je rends à Votre Majesté ses six chants, et je lui laisse carte blanche sur la victoire. Tout l'ouvrage est digne de vous, et quand je n'aurais fait le voyage que pour voir quelque chose d'aussi singulier, je ne devrais pas regretter ma patrie.

Je vais éplucher l'ode. Mais, Sire, on n'est pas toujours perché sur la cime du Parnasse; on est homme. Il règne des maladies; je n'ai pas apporté ici une santé d'athlète, et l'humeur scorbutique qui me mine me rend le plus véritablement malade de tous ceux qui le sont. Je suis absolument seul du matin au soir; je n'ai de consolation que dans le plaisir nécessaire de prendre l'air. Je veux me promener et travailler dans votre jardin de Potsdam. Je crois que cela est permis; je me présente en rêvant, je trouve de grands diables de grenadiers qui me mettent des baïonnettes dans le ventre, qui me crient furt, et sacrament, et der König! Et je m'enfuis, comme des Autrichiens et des Saxons feraient devant eux. Avez-vous jamais lu qu'on ait chassé du jardin de Titus ou de Marc-Aurèle, à coups de baïonnettes, quelque pauvre diable de poëte gaulois appelé par Leurs gracieuses Majestés?


a Cette lettre est tirée du journal Der Freymüthige, 1804, p. 6.