<44> de la terre, et comme ami, et comme philosophe, et comme homme libre, car

..........Fuge suspicari
Cujus octavum trepidavit aetas
Claudere lustrum
.a

Un orage m'a arraché de cette retraite heureuse; la calomnie m'a été chercher jusque dans Cirey. Je suis persécuté depuis que j'ai fait la Henriade. Croiriez-vous qu'on m'a reproché plus d'une fois d'avoir peint la Saint-Barthélémy avec des couleurs trop odieuses? On m'a appelé athée, parce que je dis que les hommes ne sont point nés pour se détruire. Enfin la tempête a redoublé, et je suis parti par les conseils de mes meilleurs amis. J'avais esquissé les principes assez faciles de la philosophie de Newton; madame du Châtelet avait sa part à l'ouvrage; Minerve dictait, et j'écrivais. Je suis venu à Leyde travailler à rendre l'ouvrage moins indigne d'elle et de vous; je suis venu à Amsterdam le faire imprimer et faire dessiner les planches. Cela durera tout l'hiver. Voilà mon histoire et mon occupation; les bontés de V. A. R. exigeaient cet aveu.

J'étais d'abord en Hollande sous un autre nom, pour éviter les visites, les nouvelles connaissances et la perte du temps; mais les gazettes ayant débité des bruits injurieux semés par mes ennemis, j'ai pris sur-le-champ la résolution de les confondre en les démentant et en me faisant connaître.

Je n'ai pas encore eu le temps de lire toute la Métaphysique dont vous avez daigné me faire présent; le peu que j'en ai lu m'a paru une chaîne d'or qui va du ciel en terre. Il y a, à la vérité, des chaînons si déliés, qu'on craint qu'ils ne se rompent : mais il y a tant d'art à les avoir faits, que je les admire, tout fragiles qu'ils peuvent être.

Je vois très-bien qu'on peut combattre l'espèce d'harmonie préétablie où M. Wolff veut venir, et qu'il y a bien des choses à dire contre


a Horace, Odes, livre II, ode 4, v. 22-24.