<428>Je crains que vous ne me trouviez aujourd'hui, sinon le plus importun, au moins le plus bavard des princes. C'est un des petits défauts de ma nation que la longueur; on ne s'en corrige pas si vite. Je vous en demande excuse, mon cher Voltaire, pour moi et pour mes compatriotes. Je suis cependant plus excusable qu'eux, car j'ai tant de plaisir à m'entretenir avec vous, que les heures me paraissent des moments. Si vous voulez que mes lettres soient plus courtes, soyez moins aimable, ou, selon le paragraphe 12 de Leibniz, cela implique contradiction; donc, etc.

Aimez-moi toujours un peu, car je suis jaloux de votre estime, et soyez bien persuadé que vous ne pouvez faire moins sans beaucoup d'ingratitude pour celui qui est avec admiration votre, etc.

123. DE VOLTAIRE.

(Bruxelles) 1er juin 1740.

Monseigneur, ma destinée est de devoir à Votre Altesse Royale le rétablissement de ma santé; il y a près d'un mois qu'on m'empêche d'écrire; mais enfin l'envie d'écrire à mon souverain m'a rendu des forces. Il fallait que je fusse bien mal, pour que les vers que je reçus de Berlin, datés du 26 avril, ne pussent ranimer mon corps en échauffant mon âme. Cette Epître sur la nécessité de remplir le vide de l'âme par l'étude est, je crois, le meilleur ouvrage de vers qui soit sorti de mon Marc-Aurèle moderne.

C'est ainsi qu'à Berlin, à l'ombre du silence,
Je consacrais mes jours aux dieux de la science.a


a Voyez t. XIV, p. 100.