<357>Et que l'ambition, les guerres, les procès,
Laissent le genre humain sans trouble et sans alarmes.
Qu'ils descendent des cieux pour remplir leurs désirs,
Ces volages enfants, les Ris et les Plaisirs,
Le Luxe fortuné, la prodigue Abondance,
Et tous ces arts heureux par qui furent polis Memphis,
Athènes, Rome, et Paris, et Florence,
Dont même, à votre tour, vous fûtes ennoblis.

Venez, arts enchanteurs, par vos heureux prestiges,
Étaler à nos yeux vos charmes tout-puissants;
Des sujets de terreur, par vos nouveaux prodiges,
Se changent en vos mains, et plaisent à nos sens.
Tels, des gouffres profonds, inconnus du tonnerre,
Où mille affreux rochers se cachent sous la terre,
Où roulent en grondant des orageux torrents,
Des hommes ont tiré, guidés par l'industrie,
Ces métaux précieux, ces riches diamants,
Compagnons fastueux des grandeurs de la vie.

Ainsi, possédant l'art des magiques accords,
Voltaire sait orner des fleurs qu'il fait éclore
Ces tragiques sujets, ces carnages, ces morts,
Que, sans ces traits savants, l'œil délicat abhorre.
C'est là qu'on peut souffrir ces massacres affreux.
Les malheurs des humains ne plaisent qu'en ces jeux
Où des auteurs divins tracent à la mémoire
Les règnes détestés de barbares tyrans,
D'un illustre courroux la malheureuse histoire,
Où les crimes des morts corrigent les vivants.

Poursuivez donc ainsi, fiers enfants de Solime,
A nous faire admirer vos triomphes heureux;
Et bientôt, surpassant Mithridate et Monime,a
Au Théâtre français attirez tous nos vœux.
Allez donc sur les pas de César et d'Alzire,b


a Personnages principaux de Mithridate, tragédie de Racine.

b Personnages de la Mort de César et d'Alzire, tragédies de Voltaire.