<144> sommes ne ressemble point au vôtre. Mais nous ne sommes pas si délicats; les fatigues qui renaissent sans cesse endurcissent. Mais, si j'avais le choix, j'avoue que je préférerais d'être le spectateur de ces scènes dont je suis acteur bien malgré moi. Tranquille dans ce beau pays que vous habitez, et dans le sein de la paix qui a toujours été l'objet de mes vœux, jouissez de votre bonheur et du repos, et n'allez pas sous ces arbres triomphaux rassembler un concile pour nous excommunier. Priez-y plutôt pour que l'on se joigne à mes vœux, et que l'on fasse cesser les calamités qui affligent l'humanité depuis si longtemps. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

135. DU COMTE ALGAROTTI.

Pise, 11 mars 1763.



Sire,

Les vœux de l'humanité et les vôtres sont exaucés. Je félicite Votre Majesté sur sa modération dans le sein de la victoire, et de ce qu'elle va cultiver des lauriers qui ne seront point arrosés par le sang. Oserais-je percer dans le repos glorieux de V. M.? Après avoir ranimé l'industrie et les arts, je vois cette main qui a donné tant de batailles les consacrer à l'immortalité. Ces divinités militaires, les Scipion, les César, les Alexandre, qui ont eu jusqu'à présent notre adoration, ne l'ont pas, ce me semble, trop chèrement achetée : ils n'avaient qu'un seul ennemi en tête, et encore quelquefois quel ennemi! V. M. a eu pendant six années en tête et à dos l'Europe presque entière, entourée par des armées toujours supérieures en nombre et presque égales en discipline. Il n'y avait que V. M. qui pût soutenir la guerre