<128>clavage de l'Europe, qu'un nouveau triumvirat veut subjuguer. Si j'en avais le choix, j'aimerais mieux me trouver dans le parterre que de représenter sur le théâtre; mais, puisque le sort en est jeté, il en faut tenter l'aventure.

Sed nil dulcius est, bene quam munita tenere
Edita doctrina sapientum templa serena,
Despicere unde queas alios passimque videre
Errare atque viam palantis quaerere vitae.a

Federic.

115. DU COMTE ALGAROTTI.

Bologne, 10 février 1758.



Sire,

Je laisse juger à Votre Majesté combien je dois me sentir honoré des réponses qu'elle a bien voulu faire à mes lettres, dans un temps où elle roule dans son esprit la destinée de l'Europe. Ce serait grand dommage, Sire, que V. M. ne fût que le sage contemplatif de Lucrèce, et qu'elle fût assise au parterre. V. M. joue trop bien pour n'être pas acteur. J'ai vu dernièrement passer par ici les troupes de Toscane qui marchent en trois colonnes contre V. M. Mais je crois qu'un chapiteau d'ordre prussien renversera aisément toutes ces colonnes d'ordre toscan.

S'il est permis, Sire, après vos hauts faits, d'admirer vos bons mots, V. M. nous en donne ample matière. Quand elle répondit à quelqu'un qui lui parlait de ses deux cinq, « Je n'ai eu qu'un peu de sang-froid et beaucoup de bonheur, » il me semble d'entendre New-


a Lucrèce, De la nature des choses, liv. II, v. 7-10. Voyez t. XI, p. 53.