<84> que pendant toute ma vie, fût-elle égale à celle de Mathusalem, je me ferai une application de vous montrer, et à votre famille, que je ne suis ni ne serai jamais irreconnaissant. Tout ce que j'apprends au sujet de ce qui se passe avec ma pauvre sœur et le margrave de Baireuth m'afflige jusqu'au fond du cœur, et ce qu'il y a de pis, c'est la misère où ils se trouvent. Je leur ai trouvé de l'argent, sans quoi, je crois, ils n'auraient pas le sou. Tenez, mon cher ami, cela est si triste, que je suis tout mélancolique quand j'y pense. Et comment puis-je fournir à leur subsistance, moi qui n'ai pas à subsister moi-même, si quelque autre ne les aide? Il est à la vérité triste d'y avoir recours; mais que faire, mon cher ami? Et après tout, il vaut mieux passer par là que de les laisser mourir de faim.

Je sais toujours que je suis en bonnes mains quand l'on vous parle sur mon sujet, et je ne souhaite jamais de tomber dans de plus mauvaises. Pour ce que le Roi dit, que l'on verrait mon caractère quand je serais marié, je n'y comprends rien, car on le peut voir à présent, et rien ne me fait plus changer; pourvu qu'il me croie honnête homme, je suis content, et j'espère soutenir ce caractère jusqu'à ma mort. J'en connais les difficultés, mais la religion et l'honneur les savent vaincre. Enfin, mon cher ami, je me mets au-dessus de l'opinion du monde, et je préfère la réalité de l'honnête homme à l'idée ou à la présomption de la multitude; et pour mon caractère sans gène et enclin aux plaisirs, il me porte plutôt à être honnête homme qu'un tempérament atrabilaire.

Wolden a été chargé de ma sœur de Baireuth de me prier de vous écrire, et c'est cela qui lui a fait soupçonner ce que ma lettre pourrait contenir. Je me garderai bien de confier rien à lui, qui est babillard et imprudent au suprême degré. Je ne m'étonne point que le roi de Pologne baisse; il a tant été, qu'il peut bien une fois cesser d'être. C'est bien le prince de toute l'Europe le plus faux, et pour lequel j'ai le plus d'aversion; il n'a ni honneur ni foi, et la supercherie