<48>sées, je vois que c'est une entreprise qui cassera le cou à l'homme le plus prévoyant, et je me souviendrai toujours de ce que le Roi m'a dit à Wusterhausen, quand elle était dans le château de Cüstrin, et que je voulais prendre son parti : Nein, Grumbkow, denket an diese Stelle, Gott gebe, dass ich nicht wahr rede, aber mein Sohn stirbt nicht eines natürlichen Todes, und Gott gebe, dass er nicht unter Henkers Hände komme! J'ai frémi à ces paroles, et le Roi me les répéta deux fois, et cela est vrai, ou je ne veux jamais voir la face de Dieu, ni avoir part aux mérites de Notre-Seigneur.

Je comprends qu'après tout ce que j'écris, je perdrai les bonnes grâces de V. A. R.; mais j'y suis tout préparé. Elle me permettra que je me retire entièrement de ses affaires; je lui souhaite mille bénédictions, et je répandrais jusqu'à la dernière goutte de mon sang, si je pouvais empêcher le malheur que je prévois. Mais Salomon dit : Ein verständiger Mann siehet das Unglück und verbirget sich, aber ein Narr geht blindlings durch.a Et je crois qu'après avoir passé cinquante-trois ans, le rôle du dernier ne me conviendrait pas. Le duc de Lorraine sera ici samedi à midi, mardi au soir à Berlin, où il y aura grand bal jusqu'au matin. Je crois que le Roi fera venir V. A. R. vers ce temps-là, et je lui souhaite beaucoup de foi et un esprit rassis, beaucoup de jugement, point de prévention, et de prier Dieu qu'il la conduise par son esprit, sans quoi elle fera la triste expérience que tout notre savoir nous mène à notre perte; il faut que nous soyons conduits par la crainte de Dieu. Ce sont les sentiments dans lesquels je mourrai, étant très-respectueusement et sincèrement, etc.


a Proverbes, chap. XIV, v. 16.