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6. M. DE GRUMBKOW A M. DE WOLDEN.

Potsdam, 22 février 1732.

J'espère que vous aurez vu celle que je me suis donné l'honneur d'écrire au Prince royal ce matin, et j'avoue que je suis fort surpris du contenu de la vôtre, du 19, qui accompagne celle du Prince royal, du 19. Je vous avoue que je vous croyais de mes amis; mais le style dont elle est conçue me paraît fort contradictoire. Comment, monsieur! le Prince royal écrit hier une lettre au Roi,a où il se soumet en tout au Roi, et que, quand même la princesse n'était pas belle, il ferait tout ce qui plairait au Roi; et vous avez la bonté de me dire que je trouverais les raisons du Prince royal valables et raisonnables, et que je dois employer tout mon crédit pour parer ce coup, c'est-à-dire rompre en visière au Roi, passer dans son esprit pour un intrigant et un traître, et donner un démenti à la propre lettre du Prince royal, que le Roi garde soigneusement! C'est à un homme aussi délié que M. de Wolden que je laisserai cette commission, et je n'ai pas assez d'esprit pour me faire couper la tête de bonne grâce et me faire rouer de sang-froid. Je laisse cet héroïsme à vous autres, et prends très-humblement congé du couvent. Je crois que votre estafette a eu son effet, car le Roi a été fort pensif aujourd'hui; et j'espère que vous ferez si bien, que nous verrons renaître les vieilles scènes. Si je n'ai pas loué la princesse de Bevern, c'était afin que le Prince royal la trouvât plus jolie; et je réponds de ma vie que si le Prince voyait la princesse d'Eisenach, belle comme on me l'a dépeinte, c'est-à-dire orgueilleuse et nullement d'esprit, qu'il préférerait cette jeune personne, qui se fera de jour en jour. Mais ce ne sont pas mes affaires. La matière devient trop délicate, et je veux absolument me retirer de


a Voyez la lettre de Frédéric à son père, du 19 février 1732.