<297>Je voudrais qu'il me fût possible de rendre compte à V. A. R. de toutes les réflexions que j'ai faites pendant ce temps; mais leur nombre et leur rapidité fait que je n'en ai plus qu'un souvenir confus. Je n'ai sans doute pas besoin de dire à V. A. R. quel en a été l'objet, et combien un objet si grand et si sublime était propre à élever les pensées et les sentiments de mon âme. Tout ce qui peut faire l'admiration des hommes entre si nécessairement dans l'essence de cet objet, qu'on pourrait s'en occuper toute sa vie sans en épuiser pour cela les sujets qu'on a de l'admirer. Cette chaîne de réflexions me ramenant de temps en temps à moi-même, je me sentais le plus heureux des mortels, en songeant à l'intérêt qu'un prince si parfait daigne me témoigner. Oui, me disais-je, quel que soit mon sort, je devrai toujours faire envie à tout le monde, aussi longtemps que V. A. R. daignera me conserver de pareils sentiments. Vous m'avez rendu la santé, monseigneur, peut-être la vie; ainsi c'est à vous que je la dois, et que je fais vœu de la consacrer. Prenez possession de moi, comme d'un bien qui vous appartient par les droits les plus sacrés. Vous m'avez doué d'une tranquillité d'âme que rien au monde n'est capable d'altérer, d'une fermeté que rien ne peut ébranler, et je sens intimement que je puis maintenant être heureux en dépit du sort. La seule chose qui puisse encore m'affliger, c'est l'éloignement dans lequel les circonstances me condamnent encore à vivre de V. A. R. Vous êtes, monseigneur, pour m'exprimer figurément, vous êtes mon soleil; car, dès que je ne suis plus à portée d'éprouver la douce influence de vos rayons, je sens un froid se glisser si profondément dans mon âme, que rien n'est capable de la réchauffer. Aussi toutes mes pensées, toutes mes démarches tendent-elles à me ménager la liberté de pouvoir un jour venir vivre dans le doux climat que ce soleil bienfaisant doit éclairer, et de participer à la félicité du peuple fortuné auquel il promet un printemps de bonheur perpétuel. Je me flatte même d'y réussir avec le temps, et de trouver enfin les moyens de