<XVI>

XXII. LETTRE D'UN AUMONIER DE L'ARMÉE AUTRICHIENNE AU RÉVÉREND PÈRE SUPÉRIEUR DES CORDELIERS DU COUVENT DE FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

Parmi les facéties authentiques contenues dans le Supplément aux Œuvres posthumes de Frédéric II. Cologne, 1789, t. III, on trouve, p. 332-347, une pièce intitulée : Lettre d'un aumônier de l'armée autrichienne au révérend père supérieur des cordeliers du couvent de Francfort-sur-le-Main, dans laquelle on découvre les astuces et les moyens criminels dont s'est servi le roi de Prusse pour gagner les batailles de Liegnitz et de Torgau. 1760. Nous n'avons pu en découvrir ni l'autographe, ni même une copie vérifiée, et il n'en est fait mention nulle part dans la correspondance de Frédéric. En revanche, cet opuscule a été attribué au marquis d'Argens par plusieurs contemporains, qui ont mis son nom sur le titre de leurs exemplaires, tant de l'original français que de la traduction allemande. Les catalogues de la Bibliothèque royale de Berlin et de plusieurs bibliothèques particulières désignent également M. d'Argens comme l'auteur de cette facétie. A la vérité, il y a quelques raisons de penser que la Lettre d'un aumônier n'est pas du Roi. Elle s'écarte, sur certains points, de la manière de Frédéric, pour se rapprocher de celle du marquis d'Argens. Ainsi on y trouve la sentence d'Horace modifiée : Non sunt miscenda sacra profanis, qui se lit aussi dans la lettre du marquis d'Argens à Frédéric, du 9 mars 1763. Il y est parlé du père Malagrida et des autres jésuites assassins des rois, qui figurent déjà dans sa lettre du 20 avril 1759. On y remarque enfin, comme dans les autres ouvrages du marquis, un certain étalage d'érudition hostile aux papes. D'un autre côté, l'examen le plus attentif du style de la Lettre d'un aumônier ne nous y a pas fait découvrir des différences assez sensibles pour qu'il nous soit possible de déclarer positivement que Frédéric n'en est pas l'auteur. Nous trouvons, d'ailleurs, dans la pièce des choses que nous serions tenté de n'attribuer qu'au Roi, p. e. l'allusion à la toque et à l'épée bénites dont le pape avait décoré le feld-maréchal comte de Daun, plaisanterie que Frédéric répète souvent dans ses poésies, dans ses feuilles volantes,a et dans ses lettres à Voltaire et au marquis d'Argens.


a Voyez t. XII, p. 130, 132, 134, 188, et ci-dessous, les pièces no XIII, XIV, XV et XX.