<II>travail, était de se distraire de ses idées lugubres et de reprendre toute l'énergie et la sérénité de son âme.

Pour mieux faire connaître la situation morale dans laquelle il se trouvait, nous transcrivons un fragment des Mémoires (manuscrits) de M. de Catt, également déposé aux archives royales du Cabinet (Caisse 397, C).

« Bataille de Hochkirch. »

« Je fus appelé vers les trois heures après midi, jour de la bataille. J'entre en tremblant, le Roi vient à moi, en me déclamant ces vers de Mithridate :a »

Enfin, après un an, tu me revois, Arbate, etc.

« Il récitait tout ce qui pouvait le concerner, en faisant quelques changements, comme : Daunus a saisi l'avantage, etc. ... Les uns sont morts, j'ai sauvé tout le reste. »

« Quand j'entendis qu'on me parlait en vers, je fus rassuré, et l'on causa assez tranquillement sur cette fâcheuse affaire. Il donna beaucoup de regrets à la mort du maréchal Keith, qu'il loua extrêmement pour ses grands talents militaires, ses connaissances et sa dextérité dans les affaires politiques. Il donna aussi des regrets à la mort du prince François de Brunswic. En parlant de ces deux personnes, il répandit des larmes, et il en répandit abondamment dans cette séance, en me parlant de sa sœur la margrave de Baireuth, dont il avait reçu de tristes nouvelles sur la maladie qu'elle avait depuis quelques mois. En effet, deux jours après, il apprit la nouvelle de la mort de cette princesse. Jamais je ne vis tant d'affliction : volets fermés, un peu de jour éclairant, sa chambre, des lectures sérieuses : Bossuet, Oraisons funèbres, Fléchier, Mascaron, un volume de Young, qu'il me demanda, etc. »

De Catt dit ailleurs :b « Pendant le quartier d'hiver de Breslau, où le Roi continuait ces lectures sombres, je lui dis un jour : Votre Majesté veut-elle donner dans la dévotion? Il ne répondit rien, et quelques jours après il me dit : Vous avez été surpris de mes lectures; voici ce qu'elles ont produit. Et il me donna un Sermon sur le jugement dernier, écrit sur du papier de deuil, et l'Éloge de Matthieu Regnaud, maître cordonnier, qui a été imprimé. »

C'est ainsi qu'en donnant un aliment à la gaîté naturelle de son esprit, le Roi surmonta sa tristesse, et put reprendre son activité ordinaire. Il doit avoir com-


a Mithridate, tragédie de Racine, acte II, scène III.

b Voyez la Vie de Frédéric II, roi de Prusse (par de la Veaux). A Strasbourg, 1789, t. VI, p. 380.