<149> son traité du droit public, il descend dans les plus grands détails sur les différentes causes de la guerre, qu'il apprécie toutes à leur juste valeur, montrant en quoi consistent les légitimes, et celles qui sont injustes. Je me dispense de vous copier ces passages, à cause du long séjour que vous avez fait en Allemagne et de l'étude particulière que vous avez faite de cet excellent ouvrage. Il n'y a donc qu'une vertu et qu'une justice pour tous les hommes, dont en honneur il n'en est aucun qui puisse se dispenser d'en pratiquer les préceptes. Il se trouve encore que les souverains devraient d'autant plus éviter les mauvaises actions, qu'ils ont à craindre que si l'usage s'en établit universellement, ils en souffriront plus que les particuliers par le talion.

Mais, direz-vous, d'où vient que les actions qui dans le fond sont les mêmes sont si diversement reçues par le public? Pourquoi roue-t-on Cartouche en Grève, et pourquoi accable-t-on de louanges vos politiques, qui ont agi par les mêmes principes? Cela vient d'un préjugé ridicule qui fait croire qu'un vol est infâme, et que des conquêtes sont illustres. Cependant Cartouche devient le héros d'un poëme épique, parce qu'il avait excellé dans son genre; et si Alberoni a été loué, c'était plutôt pour son génie que pour son cœur. Cet homme avait des vues si vastes, qu'elles semblaient trop resserrées dans notre continent, qu'il fallait à son esprit inquiet et remuant d'autres mondes encore à bouleverser que le nôtre. Le public a loué ses grands projets, qui l'ont ébloui, mais personne ne l'a proposé comme un modèle; et certainement l'enthousiasme que ses grands desseins avaient excité en sa faveur a bien été contre-balancé par l'horreur qu'on avait de son ambition et de son caractère. Il n'y a que les actions vertueuses qui immortalisent les hommes; les louanges mercenaires, ces vogues de mode, ne durent qu'un temps; elles ont le sort des statues médiocres, qui peuvent plaire à des ignorants, mais qui tombent lorsqu'on les place vis-à-vis des ouvrages de grands maîtres. Dans le nombre immense de flatteries dont de tout temps