<150> on a accablé les hommes en place, parmi les éloges innombrables et outrés que les orateurs et les poëtes ont donnés dans tous les siècles à leurs protecteurs, il n'en est aucun qui égale ce mot qui fera à jamais honneur à Caton :

Les dieux sont pour César, mais Caton suit Pompée.2

Il semble que la cause du sénat et de l'illustre Romain qui la défendit ne fût juste qu'autant que Caton se déclarait pour elle. Voilà une façon d'être loué à laquelle il serait à souhaiter qu'aspirassent, pour le bien de l'humanité, tous les ministres et toutes les personnes en place. Vous conviendrez, monsieur, que, pour penser ainsi, il faut, avec un naturel heureux, être né avec l'amour de la belle gloire, avoir de la noblesse et de ces sentiments d'honneur qui, dans les bons temps de la république, furent les principes féconds qui firent germer dans ces cœurs généreux des sentiments vraiment héroïques. Mais dès que les Romains perdirent avec leur simplicité leur innocence, dès que Scipion eut vaincu Carthage, et que Marcellusa eut subjugué Corinthe, il parut que le caractère de ces vainqueurs du monde changea. Les grandes vertus devinrent rares; avec les richesses des vaincus, tous leurs vices entrèrent à Rome. Il fallut avoir de l'argent pour acheter des places et corrompre le peuple. Il suffisait, non d'être vertueux, mais d'être estimé riche. L'intérêt, ce vice rempli de bassesse et d'infamie, devint un mal presque général. Le luxe, l'amour d'une dépense excessive, l'envie de se faire estimer par ses équipages somptueux et par la délicatesse de ses cuisiniers, gagna le dessus, et l'intérêt personnel l'emporta sur l'amour de la patrie et de la vraie gloire. Depuis, on trouve rarement dans les délibérations du sénat des exemples de son ancienne magnanimité, et, au lieu de cette grandeur d'âme qui


2 Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni. [Lucanus. Pharsaliae, I, 128.]

a Mummius.