<113> perd pour jamais. Mais Matthieu Reinhart, qui était citoyen, pensait au bien de sa patrie, et ceux qui en ont agi autrement ne pensaient qu'à eux-mêmes. Que n'ai-je, messieurs, l'éloquence de Cicéron pour relever la gloire de cet homme incomparable, qui avait cette vertu tant prisée des anciens Romains! La Providence ne l'avait point placé dans un poste assez élevé pour mettre sa grande âme dans tout son jour; mais si tout membre de la société se conduisait sur ces principes, vous m'avouerez que le bien public en résulterait généralement. Que n'en aurait pas dit ce consul romain, père de l'éloquence et de la patrie, lui qui rendait fertiles les sujets les plus arides, qui fit absoudre des coupables, qui changeait des hommes ordinaires en grands hommes, qui supposait des vertus en ceux qui en manquaient! Il en aurait trouvé de véritables dans Matthieu Reinhart. Lorsque le consul voulut faire déférer le commandement de la guerre contre Mithridate à Pompée, il éblouit le peuple par les charmes de son éloquence victorieuse. Le véritable Pompée et celui dont il parlait n'étaient pas le même homme; car, messieurs, qu'était-ce que Pompée, en comparaison de notre célèbre artisan? L'un conduisit des troupes au rebelle et sanguinaire Sylla; l'autre était soumis au maître chez lequel il apprit son métier, et à ses magistrats, sans se mêler de cabales. L'un, aussi ambitieux que vain, usurpait la réputation de Lucullus dans la guerre de Mithridate, de Métellus dans la guerre d'Espagne, et de Crassus dans celle des gladiateurs; l'autre, aussi modeste qu'habile, cédait l'ouvrage aux autres maîtres ses confrères, et communiquait ses talents à ses élèves. L'un se laissait tromper et surprendre par César; l'autre ne trompa et ne fut surpris de personne. Pompée enchaînait des rois, saccageait des provinces, et brûlait des villes; Matthieu Reinhart servait des rois, ne commit jamais de violence, et éteignait des incendies. L'orgueil du Romain ne pouvait souffrir même d'égal; l'humilité de l'Allemand s'appliquait à élever