<103> soin, et lui donnèrent une éducation simple, mais vertueuse, en lui inspirant, avec l'amour de tous ses devoirs, celui de la patrie. Il répondit à leurs peines et à leur tendresse par son obéissance, par son application, et surtout par un penchant qui le portait de lui-même à tout ce qui était honnête et louable. Il apprit d'eux ce métier dans lequel il excella dans la suite. Tout homme qui surpasse ses égaux par ses talents est un grand homme; un grand homme n'a pas besoin d'ancêtres,a et dans ce sens on peut le considérer comme Melchisédech,a qui n'avait ni père ni mère. Pourquoi serions-nous plus injustes pour nos compatriotes que nous ne le sommes pour des anciens, qui n'existent plus? Les noms de Socrate, de Platon, sont célèbres, et cependant personne ne connaît leur extraction. Homère, ce père de la poésie, dont l'admiration pensa faire un dieu dès qu'il ne fut plus, demandait l'aumône dans ces villes qui, après sa mort, se disputèrent qui d'elles l'avait vu naître. Et n'est-il pas en effet plus beau de se faire un nom que de le recevoir en héritage? Ces familles si fières de leur noblesse n'ont-elles pas eu un commencement? Elles sont toutes sorties de la roture, et c'est quelque mérite distingué qui a percé l'obscurité qui l'environnait, pour se frayer un chemin aux honneurs; les titres acquis ont passé à la postérité, sans cependant lui transmettre le mérite de celui qui les avait obtenus. En examinant ce qui flatte le plus l'amour-propre, il est sûr que celui dont l'éclat rejaillit sur ses descendants est plus illustre que ceux qui l'empruntent de lui. Celui que nous pleurons, messieurs, n'a dû son nom qu'à lui-même; il l'a rendu célèbre par ses talents, il l'a rendu précieux par ses vertus. Abandonnons ces vaines idées de roture et de noblesse, et considérons dans la vie d'un pauvre, mais industrieux, mais utile artisan, ses travaux pour le service du public, et ses mœurs pour l'avantage de notre édification; suivons-le dans son atelier, occupé de ses ouvrages


a Epître de saint Paul aux Hébreux, chap. VII, v. 1-3. Voyez t. IX, p. 43; et t. X, p. 64, 73 et 187.