<96>Voyez comme il paraît sombre, craintif, sauvage,
La honte et l'embarras se lit sur son visage;
Viendrait-il de Paris, cet asile des jeux?
Non, vous m'en imposez, ce fils sort des chartreux.
Ah! l'utile projet! ah! la belle dépense!
Pour le tenir reclus, qu'alla-t-il faire en France?
Que sait-il, qu'a-t-il vu, qu'en fit son directeur?
Mais voyez ses habits, ils sont du bon tailleur;
De ses cheveux tapés l'élégante frisure
D'un toupet arrangé relève la parure,
Il met du grand Passot le génie aux abois,
Ses manchettes d'un pied débordent ses longs doigts.
Eh quoi! pour s'ajuster fit-il ce long voyage?
Qu'on aurait épargné de longueur et d'ouvrage,
Si l'on eût fait venir par le plus court chemin
Cordonnier, et friseur, et tailleur à Berlin!
Un jour leur eût suffi pour orner sa figure.
Croyez-vous que ce fils pourra par sa parure,
Malgré son esprit sec et son cerveau perclus,
Nous faire illusion sur son peu de vertus?
Interrogeons pourtant quelques-uns de ces pères,
De leurs desseins secrets pénétrons les mystères;
Ils ont sans doute un but, et ces sages parents
Auront pensé surtout au bien de leurs enfants.
Dites, lorsque vos fils de leurs coûteux voyages
Reviendront étrangers par l'air et les usages,
Qu'ils seront plus Français, plus Anglais que Germains,
Quels utiles emplois leur préparent vos soins?
S'il faut juger des faits par notre expérience,
Le hasard en décide, et non votre prudence.
Je vois vos voyageurs s'empresser chaque jour;