<286>Il pousse ses travaux, il resserre la place,
Du vizir téméraire il méprise l'audace,
Il le laisse avancer par un travail nouveau,
Il lui laisse le temps de passer un ruisseau;
Alors, sans balancer, ce fils de Mars s'élance,
Sur eux ses cuirassiers fondent en assurance,
Tout fuit devant ses pas, le Turc, plein de frayeur,
Cède le champ de gloire et Belgrad au vainqueur.
Sortez de l'Elysée, ombre illustre et chérie,
Quittez pour nous des cieux l'immortelle patrie;
D'un regard paternel voyez vos descendants,
De l'art qui vous fit vaincre instruisez vos enfants.
Enfants de ce héros, je vous donne pour maîtres,
Non des guerriers obscurs, mais vos propres ancêtres.
Électeur généreux, c'est donc vous que je vois!
Vos peuples sont encor tout pleins de vos exploits;a
C'est à leurs cris touchants, c'est à leur voix plaintive
Que, du Rhin tout sanglant abandonnant la rive,
L'Elbe vous vit soudain voler à leur secours.a
L'État était en proie aux tigres, aux vautours,
Les fiers enfants des Goths ravageaient nos contrées,
Ils brûlaient nos cités, au pillage livrées;
Wrangel, fier d'un succès qui n'avait rien coûté,
S'endort dans son triomphe avec sécurité;
La foudre le réveille au bord du précipice,
Un dieu vengeur paraît, un dieu pour nous propice :
Venir, voir, triompher, fut l'ouvrage d'un jour;
Le Suédois, consterné par ce subit retour,
Surpris dans ses quartiers par ce nouvel Alcide,
Veut en vain s'opposer à sa course rapide.


a Voyez t. I, p. 86, et ci-dessus, p. 62.