<258>Dites que j'ai subi, bravé l'adversité,
Mais que parmi les rois, depuis, on m'a compté;
Attestez hardiment que la philosophie
A dirigé mes pas et réformé ma vie;
Dites qu'en admirant le système des cieux,
J'ai préféré ma lyre aux arts fastidieux;
Que, sans haïr Zénon, j'estimais Épicure,
Et pratiquais les lois de la simple nature;
Que je sus distinguer l'homme du souverain;
Que je fus roi sévère et citoyen humain :
Mais, quoiqu'admirateur de César et d'Alcide,
J'aurais suivi par goût les vertus d'Aristide.
Lorsque la Parque enfin, lasse de ses fuseaux,
Terminera mes jours d'un coup de ses ciseaux,
Que sur ma cendre éteinte aboiera la satire,
Dites que, méprisant tout ce que pourra dire
Un esprit irrité, chagrin, mal fait, tortu,
Trop rigide censeur de ma faible vertu,
Sans aimer la louange, insensible à tout blâme,
J'ai toujours conservé le repos de mon âme.
Et que, m'abandonnant à la postérité,
Elle peut me juger en toute liberté.

A Potsdam, ce 8 d'août 1749.