<257>Plus vous aurez de goût pour ses divins ouvrages,
Et plus vous aurez droit d'attendre des suffrages.
C'est là votre modèle, et ces trésors ouverts
Orneront vos écrits et plairont dans vos vers.
Mais puisque je vous vois toujours inébranlable,
Que les vers ont pour vous un charme inconcevable,
Que ne pouvant vous taire, et marmottant tout bas,
Comme cet indiscret confident de Midas,
Vous contez aux roseaux mes passe-temps frivoles,
Du moins consolez-moi de vos visions folles;
Apprenez quelque jour aux lecteurs indulgents,
Si vous pouvez percer la sombre nuit des temps,
Ou si quelque hasard vous amène au grand monde,
Quel était cet auteur dont la muse féconde
Monta sur l'Hélicon sur les pas du plaisir,
Et composa des vers pour charmer son loisir.
Dites que mon berceau fut environné d'armes,
Que je fus élevé dans le sein des alarmes,
Dans le milieu des camps, sans faste et sans grandeur,a
Par un père sévère et rigide censeur;
Que je lus écolier des plus grands capitaines;
Qu'à Sparte cultivant les douces mœurs d'Athènes,
Je fus ami des arts plutôt que vrai savant,
Et que sans écouter un orgueil décevant,
Et simple courtisan des filles de Mémoire,
Je n'aspirai jamais à la sublime gloire
D'être le plus fêté parmi leurs nourrissons;
Que sachant me borner et rabaisser mes sons,
Je me suis contenté de peindre ma pensée
Et de parler raison en prose cadencée.


a Sans faste, sans grandeur. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 346.)