<252>Traîner de longs procès, embrouiller les finances,
Oublier les traités, pour penser aux beaux-arts?
M'a-t-on vu des derniers paraître au champa de Mars?
Mais si sur tous ces points j'ai fait briller mon zèle,
Si l'on m'a vu toujours, à mes devoirs fidèle,
Du peuple et du soldat prévenir les désirs,
Par quelle cruauté fronde-t-on mes plaisirs?
Je vois couler mes jours au sein de l'innocence;
Enchanté des attraits dont brille l'éloquence,
J'ai su monter ma lyre à différents accords,
Chez Horace et Maron je puise mes trésors;
Je ne me flatte point de pouvoir les atteindre,
Mais, un peu plus bas qu'eux, je n'ai point à me plaindre.
Eh quoi! dans ma grandeur et dans ma royauté,
Je ne jouirai point du peu de liberté
Qu'un berger, conduisant son troupeau pacifique,
A de chanter le soir une chanson rustique,
Quand l'ombre ayant chassé les ardeurs du soleil,
Le plaisir lui prépare un tranquille sommeil?
Achille pourra donc, dans son jaloux délire,
Apaiser son courroux par les sons de sa lyre,
Et moi, je ne pourrai, moi seul dans l'univers,
Adoucir mes travaux par le charme des vers?
Quoi! l'on m'interdira les sources du Permesse?
Du monde prosterné voyant grossir la presse,
Je serai dans ma niche, au milieu de ma cour,
Encensé par des sots comme le saint du jour?
On me rendra martyr de la cérémonie?
Ah! secouons le joug de cette tyrannie.
Tant pis si le bon sens paraît hors de saison,


a Aux champs. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 338.)