<186>Disserter avec moi du prix qu'ont les vertus,
Et lorsque son discours échauffe mon génie,
Je l'enrichis des traits qu'offre la poésie.
Une feuille, une fleur, et de moindres objets
A nos moralités fournissent des sujets,
La nature à nos yeux est pleine de merveilles;
Nous admirons souvent le peuple des abeilles;
O quel plaisir, ma sœur, de les voir travailler
Ce doux suc que l'instinct leur apprit à piller!
De leurs soins mutuels et de leur vigilance
Résulte pour l'essaim la commune abondance :
L'un travaille pour l'autre, et ce miel apprêté
Appartient sans partage à la communauté.
Pourquoi ne suit-on pas, disais-je, leur exemple?
L'homme a lieu de rougir chaque fois qu'il contemple
Cette heureuse union et l'ordre sans égal
Qui concourt en effet à leur bien général.
L'abeille a mieux que nous réglé sa république,
On n'y voit point de mouche altière et magnifique
Refuser à ses sœurs le fruit de ses travaux;
L'orgueil et l'intérêt respectent leur repos.
Fière raison humaine, orgueilleuse folie,
Que de ces animaux l'exemple t'humilie!
Notre cœur endurci méprise les humains,
L'homme change de mœurs en changeant de destins;a
Enivré de l'éclat de son bonheur suprême,
Il fuit son origine, il s'ignore lui-même.
Qui dirait, lorsqu'on voit ces grands si dédaigneux,


a

Il changera de mœurs en changeant de fortune.

Voltaire,

La Mort de César

, acte 1, scène I.