4114. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 10 février 1750.

Votre dépêche du 30 du mois dernier passé m'a été heureusement rendue, et je vous sais bon gré de l'attention que vous avez eue pour me faire parvenir le mémoire du sieur Panin, avec la minute de la réponse qu'on y destine.247-1 Vous remercierez dans des termes des plus obligeants en mon nom le comte Tessin de la confidente communication de ladite réponse et l'assurerez d'un secret inviolable qui lui en sera gardé, avant que je n'ai appris qu'elle a été remise au sieur Panin.

Quant à la minute même, je l'ai trouvée bien couchée et de façon qu'hormis les doutes que j'ai sur le prétendu anéantissement de l'obligation du traité de Nystad,247-2 je ne trouve rien à redire. Il n'y a qu'une seule chose sur laquelle je voudrais qu'on eût réfléchi encore, c'est si l'on n'aurait pas bien fait d'ajouter, à la fin de la réponse, l'expédient que le ministère de France a cru être le meilleur pour embarrasser la Russie et que je vous ai déjà communiqué par ma dépêche du 3 de ce mois, savoir que, si la Russie continuait à presser la Suède sur une pareille négociation et que celle-là voulût continuer à établir pour principe qu'il y a entre la Suède et elle des objets de conciliation, la Suède offrait à la Porte Ottomane la médiation de ces différends par reconnaissance de l'intérêt qu'elle avait bien voulu prendre à sa situation, et par le droit qu'elle s'est acquis par le traité de 1739 de lui garantir son repos et sa sûreté. #ä#Comme le ministère de France a compté cet expédient pour le seul moyen d'imposer silence à tous les ennemis du ministère suédois en dedans et de terminer cette affaire à la gloire de la Suède et à la honte de ses ennemis au dehors — quoique le ministère de France n'ait cru proposer cet expédient qu'au cas qu'on ne puisse absolument<248> éluder par un refus honnête tel qu'il ne puisse entraîner avec soi quelque circonstance fâcheuse — je serais surpris si le ministère de France ne s'en fût pas expliqué au marquis d'Havrincourt et si celui-ci n'en avait rien fait sentir au comte Tessin. C'est pourquoi je voudrais bien que vous sachiez pressentir encore le comte Tessin sur ce sujet, quoique d'une manière toute délicate et de façon que je ne sois pas exposé aux reproches de la part du ministère de France comme quoi j'avais abusé de sa confiance, quand il m'a fait communiquer tout ce que dessus.

Au surplus, si l'on convenait que la Suède dût se servir de cet expédient dans la réponse qu'on va donner au sieur Panin, il serait, à ce qui me semble, d'autant plus à propos dans le moment présent, où il y a eu un changement dans le ministère de la Porte Ottomane, en ce que le Grand-Visir à été déposé, que sa place a été occupée par son kihaja, et que Saïd-Effendi, autrefois ambassadeur de la Porte Ottomane en Suède et en France, a été revêtu du poste de kihaja; ainsi donc, que pendant ces occurrences le susdit expédient saurait faire d'autant plus d'impression sur la cour de Russie, et qu'au cas même que celle-ci voudrait s'aviser à réaliser ses menaces contre la Suède, l'on pourrait relever auprès de la Porte qu'on avait offert sa médiation à la Russie, mais qu'elle n'en avait fait aucun cas.

Pour ce qui regarde la demande du gouvernement de Suède de ce que je doive concourir avec les cours de France et de Danemark pour faire comprendre à celles de Vienne et de Londres que la Suède ne saurait aller plus loin qu'elle n'avait déjà fait à l'égard de la Russie, j'y consens de bien bon cœur, et, dès que la France s'avisera à faire de pareilles représentations, j'y concourrai également; ce que vous pouvez dire au comte Tessin.

Federic.

Nach dem Concept.



247-1 Vergl. S. 238. 244. 251.

247-2 Vergl. S. 244 Anm. 1.