12716. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Leipzig, 5 mars 1761.

J'ai bien reçu la lettre que Votre Altesse m'a faite du 1er de ce mois et ne saurais vous dissimuler que je ne trouve point votre situation aussi embarrassante et fâcheuse qu'il me paraît que vous la trouvez vous-même. Il est impossible que, dans une pareille expédition que la vôtre, il ne se rencontrent de petites difficultés à surmonter, il fallait se les représenter dès le commencement; mais il faut considérer que vous avez levé à présent le grand mal et qu'il y a remède à tout le reste.

La prise de Cassel ne saurait vous manquer, et je compte cette place comme déjà entre vos mains. Il peut arriver que la ville soit en partie endommagée par le siège, ce qui est impossible d'éviter; mais le gros des affaires demande absolument que vous vous empariez de cette place, malgré les dents et toutes les menaces de M. de Broglie.251-1 La garnison qui s'y trouve, et dont on relève tant le nombre, n'est, comme je sais, tout au plus que de 15 bataillons et de 6 escadrons, ce qui compose le nombre de 4000 hommes [d']infanterie et de 400 de cavalerie, de sorte qu'on ne la saurait regarder aussi forte qu'on le voudrait faire accroire.

Vous n'aurez, d'ailleurs, rien à craindre de l'armée française. J'ai vu moi-même deux lettres de deux aides de camp du maréchal de Broglie, les frères de Ponickau, qui mandent en termes exprès à leur père ici que l'armée française avait eu bien de la peine de vous échapper et à n'être pas coupée de Hanau; que l'armée avait perdu presque tout son bagage et que la plupart de leurs troupes avaient été renvoyées au delà du Main, indépendamment d'un poste qu'on avait laissé à Bergen,251-2 où l'on croyait pouvoir se maintenir. Dans ces circonstances, je crois que, pourvu que vous laisserez devant vous un bon corps de troupes, vous ne serez pas obligé de tenir tout le reste si serré, mais de pouvoir vous régler conformément à votre subsistance.

Pour ce qui regarde nos nouvelles de ce pays-ci, je suis bien aise de pouvoir vous mander que le corps du général de Syburg a chassé les troupes de l'Empire au delà de Saalfeld, d'où celles ci se sont retirées à Græfenthal, de sorte que vous n'aurez rien à craindre de ce côté-là, ni votre flanc, mes gens vous couvrant tout votre flanc gauche. Comme je sais que vous êtes accablé présentement d'affaires, permettez-moi de vous faire souvenir de ne pas oublier à profiter de ce moment convenable pour recruter et compléter vos régiments hessois de leur propre pays, soit en faisant livrer les recrues par les baillis, soit d'une autre façon, et principalement à faire sister auprès de ces régi<252>ments tout ce qui se trouve là de déserteurs, car, ce moment favorable passé, il vous coûterait bien de la peine pour trouver suffisamment des recrues pour compléter les troupes susdites.

Federic.

Toute cette expédition prend le tour le plus favorable, et je vous félicite d'avance de ce que vous prendrez en peu à Cassel l'homme le plus impertinent que la France ait produit. Souvenez-vous de son passage à Breslau.252-1

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.



251-1 General Graf Broglie, Commandant von Cassel, früherer Gesandter am sächsischen Hofe.

251-2 Nordöstl. von Frankfurt.

252-1 Der König meint wohl Pirna. Vergl. Bd. XIII, 611.