11578. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Elsterwerda, 12 novembre627-2 [1759].

Mon cher Frère. Je passerai demain l'Elbe, et j'irai à un village qui s'appelle Hirschstein627-3 qu'on m'a dit être le plus voisin du pont. Je ne sais combien il y a de là à votre camp. Le 14 je vous joindrai infailliblement; ayez la grâce de me faire avoir un quartier.

Il faudra que vous me mettiez au fait de bien des circonstances dont je n'ai jusqu'ici que des idées confuses, et que nous examinions les moyens que nous avons pour pousser Daun en Bohême, pour choisir les plus convenables et asseoir un petit plan d'opération pour bien finir la campagne. Je vous prie d'avoir aussi à la main la carte que vous avez fait lever cet hiver des environs de Dresde, puisque toutes nos opérations sont subordonnées aux différentes figures que le caprice de la nature a données aux contrées où nous devons agir.

Beck est arrivé, il y a deux jours, à Rumburg; il a envoyé une escorte de quelques bataillons qui conduisent 300 chariots à Dresde. Je ne sais s'ils sont chargés de faririe ou de fourrage,' mais, quoi que ce soit, le nombre n'est pas assez considérable pour nous alarmer, et comme il est impossible que l'armée de Daun se soutienne en Saxe, il est impossible qu'ils maintiennent Dresde. S'ils y laissent des troupes, c'est un présent qu'ils me font, et s'ils les retirent en partant, personne [ne] nous empêche de suivre l'arrière-garde de l'armée, et pourvu que vers ce temps on pousse tous les bataillons francs et 10 bataillons d'infanterie, pour les soutenir, dans les montagnes attenantes à Gieshübel,627-4 il faut que ceux qui passent par ce coupe-gorge, y fassent des pertes considérables.

Je vous prie de faire ébruiter que je suis arrivé avec 4000 hommes, et pour en imposer à l'ennemi, il faut nommer les régiments de Bai<628>reuth, Kreytzen, Jung-Sydow, Mosel, les hussards de Werner, de Puttkammer et un détachement des noirs. L'idée de notre supériorité fera peut-être une impression favorable sur l'esprit de la créature bénite628-1 et de son conseil; il faut tâcher de leur en imposer et, pour peu que je sois au fait de la position actuelle de notre armée et de celle de l'ennemi, nous délibérerons des moyens les plus sûrs et les plus infaillibles pour mettre le trouble, la consternation et l'esprit d'erreur et de vertige dans le conseil et dans les résolutions des généraux ennemis.

Je suis encore fort faible, je n'ai presque point de sommeil, j'ai encore un reste de douleur sourde dans les jambes qui m'empêche de m'en servir comme il faudrait. Je ménage toutes mes forces pour une journée d'arrière-garde, afin que cet homme, qui a accumulé sur sa tête tous les symboles de la vanité humaine,628-2 ne sorte pas de la Saxe sans être éconduit solennellement à grands coups de pieds au derrière.

Je vous prie de m'instruire un peu de ce qui se passe. Je serai ou à midi ou à i heure à Hirschstein, et j'y pourrai recevoir votre billet.

Adieu, cher frère, je vous embrasse de tout mon cœur, vous assurant de la haute estime et de la tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Fededric.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



627-2 Ein Schreiben an den Prinzen Ferdinand von Preussen, d. d. Elsterwerda 12. November, vergl. in den Œuvres, Bd. 26, S. 546. Der König äussert u. a. „il y a de l'espérance que la paix pourra bientôt se rétablir.“ Ein Schreiben an d'Argens vom selben Tage in den Œuvres, Bd. 19, S. 101.

627-3 Nordwestnördl. von Meissen, links a. d. Elbe.

627-4 Berg-Gieshübel, südl. von Pirna.

628-1 Daun. Vergl. S. 378.420.

628-2 Vergl. S. 186. Anm. 2.