10910. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Landshut, 28 avril196-1 1759.

J'ai vu par votre chiffre196-2 toutes les difficultés que vous me présentez, et j'avoue que dans toute autre guerre que celle-ci je ne conseillerais point à une entreprise aussi pénible. Mais voici mes raisons:

Les Autrichiens ne pourront pas vous causer de grandes inquiétudes du côté de la Saxe, à cause que leurs grands magasins dans ces environs-là sont ruinés, qu'ils ne pourront rétablir si aisément. Si vous pouvez profiter de ce temps-là, pour pouvoir chasser l'armée de l'Empire, cela pourra faire un effet admirable. Quant à la Lusace, j'y aurai l'oeil, pour que malheur n'y arrive pendant votre absence. Daun attendra que les Russes agissent, pour se mettre en mouvement; ceux-là ne peuvent agir plus tôt qu'au commencement de juin.

Si nous n'essayons pas tout ce qui est humainement possible, pour nous débarrasser à présent que nous en avons le temps, d'un des ennemis que nous avons vis-à-vis de nous, nous nous trouverons vaincus par leur nombre, s'ils commencent leurs opérations toutes à la fois. Il n'y a donc pour nous d'autre salut que de tenter tout ce qui est possible, pour déranger à présent leur concert. Voilà la raison qui me mène dans la Haute-Silésie, pour essayer là s'il sera possible de faire un coup contre le corps de 30000 hommes de ce côté-là. S'il nous réussit d'un côté ou d'autre, nous pouvons espérer de nous soutenir; mais si nous ne l'entreprenons pas, je vous prie de me dire comment faire, pour nous défendre et nous soutenir, quand les ennemis agiront de concert de tous les côtés, à savoir 30000 Autrichiens en Haute-Silésie, 40000 vers la Basse-Silésie, l'armée des Cercles du côté de la Thuringe, celle de Broglie dans la Hesse, Daun avec un corps de 30000 hommes vis-à-vis de Dresde, un corps de 10000 hommes Autrichiens vers la Lusace, prêt à pénétrer du côté de Berlin, un corps de Suédois du côté de la Peene et 50000 Russes, soit du côté de la Poméranie, soit de la Nouvelle-Marche. Vous devez convenir de l'impossibilité qu'il y aura de résister à tant de troupes ensemble, et vous sentirez la né<197>cessité qu'il y aura pour nous tous, de faire à présent les derniers efforts pour nous débarrasser d'une partie de nos ennemis.

S'il y avait quelque chose à gagner par attendre, j'attendrais, je vous assure, très volontiers; mais l'inaction dans ce moment-ci est tout ce qu'il peut y avoir de plus dangereux pour nous, et ne peut nous procurer que ce qu'on appelle en allemand une Galgenfrist.

Voilà, mon cher frère, mes raisons; il faut nous accommoder au temps et régler nos actions sur les circonstances où nous nous trouvons. Au surplus, je ne prétends point de vous des choses impossibles, mais si vous trouvez l'occasion de vous débarrasser une bonne fois des Cercles, vous changez entièrement la face de la guerre et de votre propre position. Quant à l'événement, ni vous ni moi n'en pouvons pas répondre, et supposant même qu'il arrivât à vous ou à moi quelque malheur, je crois toujours que le fait en aurait été pire pour nous, s'il nous arrivait dans le moment que tous nos ennemis fussent en action.

Soyez persuadé de la vivacité des sentiments de l'amitié et d'estime avec lesquels je suis etc.

Federic.

Nach dem Concept.197-1



196-1 Zum 28. April vergl. auch ein Schreiben an Voltaire in den Œuvres, Bd. 23, S. 40.

196-2 Den Bericht des Prinzen, d. d. Sedlitz 26. April, vergl. in Schöning, a. a. O. Bd. II, S. 53. 54.

197-1 Es lag jedenfalls ein eigenhändiger Entwurf des Königs zu Grunde.