6882. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.
Potsdam, 19 juillet 1755.
Les dépêches que vous m'avez faites du 4 et du 7 de ce mois, m'ont été fidèlement rendues, dont je vous sais parfaitement gré, par toutes les circonstances intéressantes que vous y avez fait entrer, et qui m'ont répandu bien de la lumière sur différents sujets. Je me suis surtout réjoui de ce que j'ai appris que la cour de Madrid commence à la fin de se déclarer tant soit peu en faveur de la France, par rapport à ses différends avec l'Angleterre relativement aux affaires de l'Amérique,216-4 et souhaite de bien bon cœur que cela aille toujours en augmentant et que la bonne intelligence entre les deux cours se confirme de plus en plus.216-5
Pour ce qui regarde le projet de la France d'interpeller, au premier acte d'hostilité de la part des Anglais, les garants de la paix d'Aix-la-Chapelle de concourir avec elle à éteindre le feu de la guerre, je veux bien vous faire observer que la France trouvera de la peine<217> de faire valoir cette raison aux garants de la paix, et qu'il me paraît même qu'elle n'y est pas trop fondée, bien entendu qu'il n'y a rien de statué ni de décidé dans ledit traité de ce qui concerne l'Amérique, et qu'en bonne conséquence les garants de cette paix seront toujours en droit de lui objecter le défaut du cas de l'alliance.
La réparation que la France songe de faire au roi de Sardaigne sur ce qui est arrivé au sujet de Mandrin,217-1 me paraît être trop forte. Il fallait bien venir à quelque réparation touchant l'atteinte faite à la souveraineté de ce Prince par la manière trop grossière dont on a agi à l'occasion de l'enlèvement dudit malheureux, mais de lui envoyer un ambassadeur extraordinaire pour faire telle déclaration publique dont vous faites mention,217-2 cela me paraît un peu outré. Mais, quoi qu'il en soit, j'aimerai toujours de voir les deux cours réconciliées ensemble et en bonne chemin de prendre des liaisons plus étroites entre elles que par le passé.217-3
Au reste, si mes avis que j'ai en dernier lieu de Hollande, accusent juste, la République retirera ses troupes et son artillerie des places de la Barrière pour les faire aller à Namur et aux places fortes de la Flandre hollandaise, et il paraît qu'on veut prendre son parti de ne point se mêler des différends de l'Angleterre avec la France, de rechercher celle-ci pour la neutralité et de ne vouloir se mêler de rien en tout ceci.
Federic.
Nach dem Concept.
216-4 Vergl. Nr. 6884.
216-5 Vergl. S. 94. 106. 134. 141.
217-1 Vergl. S. 204.
217-2 Assurance solennelle „que l'enlèvement de Mandrin s'était fait à l'insu du roi de France et pour témoigner combien Sa Majesté Très Chrétienne était mortifiée de cet évènement.“ (Bericht Knyphausen's, 4. Juli).
217-3 Vergl. S. 134.