6586. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A VIENNE.

Berlin, 7 janvier 1755.

J'ai reçu à son temps vos dépêches du 25 et du 28 de décembre dernier. Bien que je n'aie pas eu jusqu'à présent des nouvelles intéressantes relativement aux affaires de la cour de Russie, hormis qu'on prétend savoir qu'il y a un ordre ou ukase expédié en conséquence duquel on doit faire une levée de 63,000 hommes de recrues pour compléter l'armée, j'ai, malgré cela, toute la peine imaginable de croire qu'il y ait effectivement convenu quelque chose entre les cours de Londres et de Pétersbourg par rapport à des subsides;5-2 supposé même que la nouvelle d'une levée de recrues aussi forte que celle de 63,000 hommes se confirmerait, j'en attribue plutôt le motif aux appréhensions qu'on a des déclarations vives de la Porte Ottomane au sujet de la forteresse de Sainte-Elisabeth5-3 qu'à tout autre. D'ailleurs, mes dernières nouvelles de Londres, dont vous trouverez les détails dans la dépêche d'aujourd'hui de mon ministère, me confirment que, comme il faudrait qu'à l'heure qu'il est le duc de Newcastle, vu qu'il avait été obligé de perdre du terrain devant son antagoniste, le sieur Fox, qui a été fait membre du ministère5-4 et aura la direction de la chambre des communes, et qui apparemment avec ses amis ne s'arrêteront pas là où ils sont, le duc de Newcastle, dis-je, sera obligé de redoubler ses efforts pour se conserver et de songer à cela préférablement qu'à toute autre chose, position qui ne fera qu'assurer de plus en plus le système pacifique de la cour de Londres. Ajoutez à cela le grand mécontentement de cette cour au sujet de la réponse que celle de Vienne a donnée sur la négociation de la Barrière,5-5 et dont les ministres anglais, aussi bien que les hollandais, ont été si révoltés que le comte Colloredo a dû envoyer le 20 de décembre passé un courrier à Vienne avec des dépêches remplies de plaintes par rapport à cette affaire. De tout ceci je conclus qu'il se peut bien qu'on se flatte à Vienne de voir bientôt arrangé le traité de subsides entre la Russie et l'Angleterre, mais qu'il peut arriver<6> aussi qu'on s'y verra grossièrement trompé, et que peut-être la joie sur tes suites dè la reconvalescence du Sultan sera prématurée,6-1 parcequ'il n'est pas à présumer que la Porte, ayant une fois faite la déclaration vigoureuse relativement à la forteresse de Sainte-Elisabeth dans la Nouvelle Servie, voudrait rester là au sujet de la mort du comte Desalleurs.6-2 Au surplus, vous serez bien persuadé avec combien de déplaisir j'ai appris ce fâcheux évènement, mais je me flatte que la cour de Versailles songera de réparer au plus tôt cette perte par l'envoi d'un autre ministre habile et aussi bon sujet que le défunt. En attendant, j'approuve bien que vous fassiez de votre mieux afin que le sieur de Celsing soit bien instruit par le comte de Barck de tout ce qu'il faudra pour détruire et contre-balancer les faussetés que les ennemis de la France et surtout les deux cours impériales tâcheront de répandre sur elle et sur moi.

Federic.

Nach dem Concept.



5-2 Vergl. Bd. X, 511.

5-3 Vergl. S. 1.

5-4 Bericht Michell's, 20. December. Fox war indess bereits seit 1743 Mitglied des Geheimen Raths, zuerst als Schatzcommissar, seit 1746 als Kriegssecretär.

5-5 Vergl. Bd. X, 510.

6-1 Vergl. Nr. 6588.

6-2 Vergl. S. 1.