<6>Ne pensez point que le pays de Würtemberg a été fait pour vous; mais croyez que c'est vous que la Providence a fait venir au monde pour rendre ce peuple heureux. Préférez toujours leur bien-être à vos agréments, et si, à votre âge tendre, vous savez sacrifier vos désirs au bien de vos sujets, vous en serez non seulement les délices, mais vous serez encore l'admiration de l'univers.

Vous êtes le chef de la religion civile du pays, qui consiste dans l'honnêteté et dans toutes les vertus morales. Il est de votre devoir de les faire pratiquer, et principalement l'humanité, qui est la vertu cardinale de tout être pensant. Laissez la religion spirituelle à l'Être suprême. Nous sommes tous des aveugles sur cette matière, égarés par des erreurs différentes. Qui est le téméraire d'entre nous qui veuille juger du bon chemin?

Gardez-vous donc du fanatisme dans la religion, qui produit les persécutions. Si de misérables mortels peuvent plaire à l'Être suprême, c'est par les bienfaits qu ils répandent sur les hommes, et non par les violences qu'ils exercent sur des esprits têtus. Quand même la vraie religion, qui est l'humanité, ne vous engagerait pas à cette conduite, votre politique doit le faire, car tous vos sujets sont protestants. La tolérance vous en fera adorer; la persécution vous en rendra l'horreur.

La situation de votre pays, qui tient à la France et aux Étals de la maison d'Autriche, vous oblige de tenir une conduite mesurée et égale envers ces deux puissants voisins. Ne marquez aucune prédilection ni pour l'un ni pour l'autre; qu'ils ne puissent jamais vous accuser de partialité; car, dans leurs fortunes diverses, ils ne manqueraient pas de vous faire repentir alternativement de ce qu'ils croiraient avoir raison de vous reprocher.

Ne vous départez jamais de l'Empire et de son chef. Il n'y a de sûreté pour vous contre l'ambition et la puissance de vos voisins que dans le maintien du système de l'Empire. Soyez toujours l'ennemi de celui qui voudra le bouleverser, parce que ce n'est en effet autre chose que vouloir vous renverser en même temps. Ne méprisez point le chef de l'Empirea dans son malheur, et soyez-


a L'empereur Charles VII. Voyez t. II, p. 110, 111 et 124; et t. III, p. 27, 28 et 30.