<39>ces études et de lui en faire venir le goût; c'est pourquoi, au commencement surtout, il ne faut pas charger la dose.

Nous en venons à présent à la plus grande et essentielle partie de l'éducation, qui est celle des mœurs. Ni vous ni toutes les puissances de l'univers ne sauraient changer le caractère d'un enfant; tout ce que peut l'éducation, c'est de modérer la violence des passions. Traitez mon neveu comme un particulier qui doit faire sa fortune; dites-lui que s'il a des défauts, ou s'il n'apprend rien, il sera méprisé de tout le monde. Citez-lui l'exemple du Mr. de Schwedta et de Henri.a Il ne faut point lui mettre du vent en tête, et l'élever tout simplement. Qu'il soit obligeant envers tout le monde, et que s'il fait une grossièreté à quelqu'un, que celui-là la lui rende sur-le-champ. Qu'il apprenne que tous les hommes sont égaux, et que la naissance n'est qu'une chimère, si elle n'est pas soutenue par le mérite.b Laissez-le parler tout seul avec tout le monde, pour qu il devienne hardi. Qu'importe qu'il parle de tort et travers? on sait que c'est un enfant, et, dans toute son éducation, faites, autant qu'il sera en vous, qu'il agisse par lui-même, et qu'il ne s'accoutume point à se laisser mener; que ses sottises soient à lui, de même que les bonnes choses qu'il fera.

Il est d'une très-grande importance de lui inspirer du goût pour le militaire; pour cette raison il faut dans toutes les occasions lui dire tant vous-même que de lui faire dire par d'autres que tout homme de naissance qui n'est pas soldat n'est qu'un misérable. Il faut le mener tant qu'il veut voir des troupes. On peut lui montrer les cadets et en faire venir avec le temps cinq ou six chez lui faire l'exercice; que cela soit un amusement et non pas un devoir, car le grand art est de lui donner du goût pour ce métier, et ce serait tout perdre que de l'ennuyer ou de le rebuter. Qu'il parle à tout le monde, à un cadet, à un soldat, à un bourgeois, à un officier, pour qu'il devienne hardi.

Qu'on lui inspire surtout de l'attachement pour ce pays, et que personne ne lui tienne des discours que de bon patriote; et sur toute sorte de sujets et de discours on peut y glisser quelques réflexions de morale, qui tendent à lui prêcher l'humanité, la


a Voyez au sujet de ces deux margraves t. V, p. 73 et 227; et t. VI, p. 251.

b Voyez t. I, p. 1; t. II, p. 24 et 25; et t. VIII, p. 97, 142, 143 et 222.