<228>le négoce; de là ce nombre de vaillants défenseurs de la patrie, qui lui dévouent leur repos, leur santé et leurs jours. Mais si en partie l'intérêt personnel est le ressort principal d'une si noble activité, n'y a-t-il pas des motifs bien plus puissants pour la réveiller et l'exciter dans ceux qu'une naissance plus illustre et des sentiments élevés doivent attacher à leur patrie? L'attachement aux devoirs, l'amour de l'honneur et de la gloire, sont les ressorts les plus puissants qui opèrent sur les âmes vraiment vertueuses. Peut-on imaginer que la richesse puisse servir d'égide à la fainéantise, et que plus on possède, moins l'on tienne au gouvernement? Ces assertions erronées sont insoutenables; elles ne peuvent partir que d'un cœur de bronze, d'un homme insensible, qui, concentré dans lui-même, n'aime que lui, et se tient isolé, autant qu'il le peut, de ceux avec lesquels son devoir, son intérêt et son honneur le lient. Hercule, tout Hercule que la Fable nous le représente, seul, n'est pas formidable; il ne le devient que lorsque ses associés l'assistent et le secourent.

Mais peut-être que le raisonnement vous fatigue : employons des exemples. Je vais vous en rapporter de l'antiquité, et principalement des républiques, pour lesquelles je me suis aperçu que vous avez une prédilection singulière. Je commencerai donc par vous citer quelques traits choisis des harangues de Démosthène connues sous le nom de Philippiques : « On dit, Athéniens, que Philippe est mort; mais qu'importe qu'il soit mort ou qu'il vive? Je vous dis, Athéniens, oui, je vous le dis, que vous vous ferez bientôt un autre Philippe par votre négligence, par votre indolence, et par le peu d'attention que vous avez aux affaires les plus importantes. »a Vous voilà au moins convaincu que cet orateur pensait comme moi; mais je ne me borne pas à ce seul passage; en voici un autre où, après que Démosthène a dit en parlant du roi de Macédoine : « On s'attache toujours à celui qu'on voit toujours plein d'ardeur et d'activité, » il ajoute : « Si donc, Athéniens, vous pensez de même, du moins à présent, puisque vous ne l'avez pas fait encore; si chacun de vous, lorsqu'il en sera besoin et qu'il pourra se rendre utile, laissant à part tout mauvais prétexte, est disposé à servir la république, les riches  »


a Voyez t. VIII, p. 23 et 24.