<49>

AVANT-PROPOS SUR LA HENRIADE DE M. DE VOLTAIRE.

Le poëme de la Henriade est connu de toute l'Europe. Les éditions multipliées qui s'en sont faites l'ont répandu chez toutes les nations qui ont des livres, et qui sont assez policées pour avoir quelque goût pour les lettres.

M. de Voltaire est peut-être l'unique auteur qui, préférant la perfection de son art aux intérêts de son amour-propre, ne se soit point lassé de corriger ses fautes. Depuis la première édition, où la Henriade parut sous le titre de Poëme de la Ligue, jusqu'à celle qu'on donne aujourd'hui au public, l'auteur s'est toujours élevé d'efforts en efforts jusqu'à ce point de perfection que les grands génies et les maîtres de l'art ont ordinairement mieux dans l'idée qu'il ne leur est possible d'y atteindre.

L'édition qu'on donne à présent au public est considérablement augmentée par l'auteur; c'est une marque évidente que la fécondité de son génie est comme une source intarissable, et qu'on peut toujours attendre, sans se tromper, des beautés nouvelles et quelque chose de parfait d'une aussi excellente plume que l'est celle de M. de Voltaire.

Les difficultés que ce prince de la poésie française eut à surmonter lorsqu'il composa ce poëme épique, sont innombrables. Il avait contre lui les préjugés de toute l'Europe et ceux de sa propre nation, qui était du sentiment que l'épopée ne réussirait jamais en français; il avait devant lui le triste exemple de ses