<209>remparts, les murailles et tout ce qui peut donner l'air d'une place forte à leur résidence.

En voici les raisons : la plupart des petits princes, et nommément ceux d'Allemagne, se ruinent par la dépense, excessive à proportion de leurs revenus, que leur fait faire l'ivresse de leur vaine grandeur; ils s'abîment pour soutenir l'honneur de leur maison, et ils prennent par vanité le chemin de la misère et de l'hôpital; il n'y a pas jusqu'au cadet du cadet d'une ligne apanagée qui ne s'imagine d'être quelque chose de semblable à Louis XIV : il bâtit son Versailles, il baise sa Maintenon, et il entretient ses armées.

Il y a actuellement un certain prince d'Allemagne apanagé d'une grande maisona qui, par un raffinement de grandeur, entretient exactement à son service tous les corps de troupes qui composent la maison du Roi, mais cela si fort en diminutif, qu'il faut un microscope pour apercevoir chacun de ces corps en particulier; son armée serait peut-être assez forte pour représenter une bataille sur le théâtre de Vérone; mais passé cela, ne lui en demandez pas davantage.

J'ai dit, en second lieu, que les petits princes faisaient mal de fortifier leur résidence, et la raison en est toute simple : ils ne sont pas dans le cas de pouvoir être assiégés par leurs semblables, puisque des voisins plus puissants qu'eux se mêlent d'abord de leurs démêlés, et leur offrent une médiation qu'il ne dépend pas d'eux de refuser; ainsi, au lieu de sang répandu, deux coups de plume terminent leurs petites querelles.

A quoi leur serviraient donc leurs forteresses? Quand même elles seraient en état de soutenir un siége de la longueur de celui de Troie contre leurs petits ennemis, elles n'en soutiendraient pas un comme celui de Jéricho devant les armées d'un roi ou d'un monarque puissant. Si, d'ailleurs, de grandes guerres se font dans leur voisinage, il ne dépend pas d'eux de rester neutres, ou ils sont totalement ruinés; et s'ils embrassent le parti d'une des puissances belliqueuses, leur capitale devient la place de guerre de ce prince.

Victor-Amédée, infiniment supérieur par sa puissance à


a Voyez ci-dessus, p. 105.